A Sousse, les supporters sont furibonds. Les plus modérés, ceux qui pensent qu'il faut donner le temps au temps, ne sont plus enclins à positiver comme ils le faisaient avant. Tout le monde s'accorde à dire que cette défaite est absolue. Pas question de relativisme, donc. Et aujourd'hui, Moëz Driss est un homme seul. En l'espace d'une année, l'Etoile aura perdu un championnat, une Coupe et une Coupe continentale. Mémoires courtes, ou ingratitude - ce qui revient au même - quand le bateau prend l'eau, c'est le premier responsable qui en prend plein la figure. On est décidément très loin, mentalement, de l'enivrant succès en championnat, de la Coupe des champion's league du Caire, et des belles prestations de la Coupe des Confédérations. Dans l'ivresse de la puissance de deux années en arrière, tout lui réussissait, à Moëz Driss. Aujourd'hui, il a tout faux. Du coup, on lui reproche " l'arrogance " avec laquelle il a limogé celui que beaucoup d'Etoilés considèrent (à tort ?) comme étant l'artisan du championnat, le premier depuis plusieurs années de dèche. Cet homme qui a divisé les Etoilés en deux et dont l'ombre plane sur Sousse ces derniers jours, Faouzi Benzarti précisément, représentait le dernier bastion de résistance pro-Jenayeh aux yeux de Moëz Driss. Mais les événements ont donné raison au président étoilé avec la Coupe africaine des champions et le choix de Marchand, pour mener à terme le processus. En soi, ce succès était lourd d'implications et lourds d'enseignements. En l'occurrence Moëz Driss se surévaluait et sur-évaluait son équipe dont il a commencé à vendre les grosses pointures. Il croyait, et croit toujours, mordicus en une relève déjà prête. Sauf qu'on ne se sépare pas, sans casse, d'un Chikhaoui, d'un Chermiti, d'un B.Frej, d'un Ghezal. Driss dira qu'il n'aurait pas pu les garder et qu'ils avaient déjà la tête ailleurs. Oui et non : un " pro " doit savoir se plier à certaines exigences et faire certaines concessions. Et quant à lui, un président de club doit rester dans son rôle : c'est le volet sportif qui prime. Pas le volet mercantile. Passe encore pour les conditions dans lesquelles l'Etoile a raté le championnat au finish, la saison écoulée... Mais fallait-il vraiment limoger Decastel parce qu'il a une incompatibilité d'humeur avec Zaâboub ? Si on systématise le limogeage d'entraîneurs qui gagnent, seuls ceux qui ne gagnent pas seront en sécurité. Supposons que l'Etoile ait perdu, hier, mais avec Decastel sur le banc. On s'en serait pris à lui. Pas à Driss. Cela aussi ça se calcule. Normal, donc, que les Etoilés se mettent à regretter Jenayeh... Celui-là même à l'endroit duquel ils ont manifesté la pire des ingratitudes... Quand le ballon ne tourne pas (rond) la roue, elle, tourne inexorablement.