Le tourisme tunisien est paradoxalement dans un éternel état de grâce. Parce qu'il bénéficie en quelque sorte de sursis sur sursis. Chaque fois qu'un check up est mis en place pour le passer au peigne fin, voilà qu'une bulle éclate par ci , qu'une crise s'installe par là ou que tout s'embrouille. On se rabat donc commodément sur les chocs exogènes: terrorisme international, récession économique, chocs des cultures, hausse des prix du carburant, chute des prix du carburant… A croire donc que tous les chemins passent par le tourisme et mènent à lui. Il y a quelques jours, l'administration concernée annonçait que nous n'avions pas de "visibilité". Puisqu'on ne voit rien venir, on laisse venir. Sans aller jusqu'à dire que le tourisme tunisien pratique la politique de l'autruche en ces temps où il faut, au contraire, courir, nous constatons déjà deux éléments essentiels. D'abord le durcissement des banques craignant – légitimement souvent – que le secteur n'alourdisse l'ardoise des dettes accrochées. Ensuite, ce réflexe du repli sur soi, de l'inertie même de peur qu'une initiative ne provoque un effet boomerang. L'ennui c'est que le tourisme tunisien reste tributaire de la condition de cette bonne vieille classe moyenne européenne: française, allemande, italienne… Et depuis quelques années les Européens affranchis de l'Est ont débarqué – radins et désargentés, peut-être mais ils font tourner quand même les hôtels moyens – cependant que nos voisins algériens et libyens "marquent" les pics importants des entrées et des rentrées en devises. Maintenant on nous annonce que nous restons la première destinée hivernale des Français. Or, lorsqu'on dit qu'on n'a pas de visibilité alors que les représentations de l'ONTT pèseraient à hauteur de 44 millions de dinars annuels comme charges sur le budget de l'Etat, voilà qui est quand même paradoxal. Parce que dans leur stratégie, nos professionnels font des estimations largement spéculatives sur les humeurs des mêmes partenaires et en fonctions des "desiderara" des mêmes Tour-opérateurs. On les laisse imposer leurs conditions. Et c'est comme cela que nos unités bradent les prix, et que ceux qui ne le font pas érigent des forteresses au nom du "all inclusive" où il est strictement interdit de "vendre le produit tunisien". Cela arrange tout le monde paraît-il. Et, finalement, si on n'a pas de visibilité, c'est parce qu'on se voile la face.