Il fut un temps où les entreprises privées et les administrations publiques offraient à tous leurs clients en guise de cadeau de fin d'année, des objets de valeur qui défiaient le temps et se conservaient comme de précieux bibelots dans les étagères des plus beaux meubles de la maison : des cendriers géants qu'on dirait en cristal, des services à eau ou à café presque en porcelaine, des pendules murales assez chères, d'élégants stylos à bille ou à encre, des calepins et des agendas avec des dorures sur les coins de chaque page etc. Qu'offre-t-on aujourd'hui ? Soit absolument rien et vous courrez des jours et des semaines après un ami pour vous procurer un minable cadeau à deux sous que vous n'osez même pas montrer, soit des babioles ridicules et sans la moindre valeur esthétique : un calendrier aux caractères et aux chiffres illisibles tant ils sont microscopiques, un stylo à bille sans relief et quelquefois sans encre, un porte clé à la vie extrêmement courte, et bien d'autres objets tous plus insignifiants les uns que les autres.
Subalternes anonymes Mais à bien fouiner dans les lots que les entreprises et administrations offrent à leurs clients, on constate vite que les plus beaux et les plus chers sont réservés à des personnes très haut placées, influentes ou très aisées. Les cadeaux de valeur ne sauraient revenir aux clients anonymes qui pourtant rendent plusieurs services durant l'année. Les fonctionnaires de l'Etat qui ont leurs comptes à la même banque depuis des décennies sont plutôt oubliés par celle-ci ; c'est à peine si un agent magnanime leur remet « le plus hiéroglyphique calendrier du monde » ! Les subalternes de la Fonction publique ont juste le droit de voir circuler les cadeaux entre d'autres mains que les leurs. Dans les usines, certains ouvriers ne savent même pas que ces cadeaux existent. Et puis c'est mieux ainsi pour eux : qui peut leur garantir que ce n'est pas un cadeau empoisonné !
Pour un stylo de Boumendil ! Il faut donc aujourd'hui être quelqu'un pour avoir droit à un présent digne de ce nom, ou peut-être payer pour recevoir un beau cadeau. Et il semble qu'au sein du personnel des sociétés, on se répartit les cadeaux à offrir : les petits agents distribuent les broutilles et les gros calibres de l'administration offrent les cadeaux impressionnants ! Les bénéficiaires des présents, toutes valeurs confondues, ne sont pas toujours des partenaires de l'entreprise : dans une majorité des cas, ce sont plutôt les étrangers à la société qui les reçoivent. Des « petites amies », des proches, des voisins, des camarades de jeu au café, voilà à qui vont les cadeaux de fin d'année des sociétés. Des disputes et des ruptures sont parfois provoquées par l'« omission involontaire » d'une connaissance, ou bien par la répartition partiale des présents entre les bénéficiaires. Imaginez un divorce par exemple ou un meurtre pour un stylo de la rue Boumendil !
Un vrai cadeau ! La coopérative centrale des grandes cultures prend depuis quelques années d'excellentes initiatives en matière de cadeaux de fin d'année : les agendas qu'elle offre sont de vrais trésors à conserver pour la vie. Nous avons sous les yeux l'un de ces beaux ouvrages qui, en plus de son admirable couverture, des magnifiques couleurs qui égaient ses pages de la première à la dernière et de son calendrier agréablement présenté et ingénieusement conçu, fournit à son lecteur une mine de connaissances et de recommandations indispensables dans le domaine agricole ainsi que des proverbes et adages originaux et amusants ayant trait aux cultures et au travail de l'agriculteur ! C'est en effet un régal pour les yeux et l'esprit, et pour un ouvrage sur les cultures,l'agenda est plus enrichissant que les centaines de livres soit disant éducatifs et culturels qui moisissent sur les rayons des bibliothèques et les étalages des librairies ! A se demander finalement si ce n'est pas salir ses pages que d'y noter quoi que ce soit ! Un tel agenda tiendrait bien sa place à côté de vos dictionnaires et de vos encyclopédies. Ça c'est un cadeau, pourvu qu'il ne tombe pas qu'entre les mains des privilégiés du secteur !