Les événements tragiques que vivent nos frères dans la bande de Gaza depuis plus d'une semaine continuent de susciter parmi les populations arabes colère, indignation et compassion. En Tunisie, l'élan de solidarité s'est toujours traduit par des actes concrets comme cela est le cas en ce moment grâce à la campagne de collecte de dons et de sang au profit des victimes de l'agression israélienne. Mais la cause palestinienne est présente autrement dans les foyers tunisiens. Chacun s'y prend comme il peut pour exprimer son soutien à la lutte courageuse des Palestiniens. Ce sont surtout les objets fétiches que nos compatriotes ont conservés religieusement que nous sommes allés chercher à l'intérieur des maisons, ces symboles parfois minuscules qui en disent long sur la belle histoire d'amour entre nous, nos frères palestiniens et tous ceux qui militent et meurent pour une juste et noble cause.
Dans le tout petit garage où vit l'oncle Khélil (75 ans), des photos d'Arafat, des cartes de la Palestine, un grand poster commémorant l'Intifada sont collés aux murs ainsi que des coupures de journaux qui rendent compte de faits marquants de la guerre arabo-israélienne. Le septuagénaire solitaire a connu les principales étapes de ce conflit et s'est même porté volontaire à deux reprises pour aller combattre aux côtés de ses frères palestiniens. C'est un grand admirateur de Abou Ammar et de Bourguiba et en évoquant cette admiration, il sortit de dessous son matelas de vieilles photos dont l'une réunit dans un geste de communion les deux leaders disparus aujourd'hui : « Ah ! si l'on avait mesuré comme il se doit les propositions réalistes de Bourguiba, on n'en serait pas là maintenant ! Mais je suis aussi pour la lutte armée parce qu'avec Israël, la diplomatie seule n'aboutit qu'à des promesses jamais tenues et qu'à des engagements jamais respectés ! » Pour la mémoire et l'Histoire ! Dans le salon de Si Mongi ( retraité de l'enseignement), les objets et bibelots qui rappellent la Palestine sont plus nombreux : pour les drapeaux en miniature, nous en avons recensé au moins six dont celui de Hamas ; il y a aussi des « pins » aux couleurs de l'Etat palestinien, une reproduction de la Grande Mosquée de Jérusalem, des portraits de certains leaders de Fatah et de Hamas avec au milieu une photo géante d'Ahmed Yassine, un petit jouet rapporté de Jordanie qui déroule diverses images relatant des faits héroïques du conflit contre les colons juifs et des « koufias » sur les fauteuils et le canapé. Dans la chambre de ses deux filles, étudiantes en droit, l'ambiance est également militante : mais on sent dès l'entrée que l'amour de la Palestine est contagieux dans cette famille. En plus de la Koufia que la plus jeune portait sur ses épaules, on découvre au-dessus de son lit un imposant poster qui immortalise l'assassinat de l'enfant Mohamed Eddorra. Quelques autres portraits montrent des combattants cagoulés du Hamas et du Jihad Islamique qui font le serment précédant un attentat suicide !
Martyr Dans la famille de Fatma (veuve d'un ancien combattant), les enfants écrivent des poèmes sur la Palestine et écoutent des chants qui célèbrent son combat courageux sur des cassettes et des CD. On prie tous les jours pour que triomphe le droit contre l'arbitraire sur cette terre sainte. La maison compte plus d'une centaine de cassettes où sont enregistrés discours, chants et hymnes évoquant tous des moments glorieux ou tristes du conflit contre Israël. La tante Fatma conserve quant à elle une vielle photo de Nasser dont elle pense qu'il était le plus engagé des chefs arabes dans la lutte pour la liberté de la Palestine ! Elle possède également au milieu de ses « archives intimes », une coupure de journal tunisien sur le bombardement de Hammam Echatt par l'armée israélienne en 1985. Avec beaucoup d'humilité, elle reconnaît que ni elle ni son mari n'ont rien fait de concret pour aider les Palestiniens, mais elle assure que le cœur est tout entier pour leur cause : « si un jour l'un de mes enfants décide d'aller combattre en Palestine, je ne m'y opposerai pas ; parce que je sais qu'il y mourra en martyr s'il est écrit qu'il perde la vie au combat ! ». Au fait, le mariage a couronné de bien belles histoires d'amour entre des Tunisiens et des Palestiniens ; mais la plus belle union entre nos deux peuples n'attend pas d'être scellée devant des maires, à eux seuls ces objets apparemment insignifiants témoignent à leur manière de la plus profonde des passions que nos deux peuples aient jamais éprouvées. Passion partagée du reste avec tous les autres peuples arabes !