Les Maghrébins sont de grands consommateurs de céréales. Sur la scène internationale, les cours de ces produits connaissent une envolée vertigineuse. Ils sont utilisés, en Amérique Latine et aux Etats-Unis pour produire des biocarburants. Et vu le caractère stratégique de ces produits une action maghrébine commune s'impose. Le secteur des céréales est considéré comme stratégique dans les économies agraires des pays maghrébins. C'est un moteur fondamental dans la croissance de l'agriculture et un facteur important dans la réalisation de la sécurité alimentaire. C'est ce qui été relevé hier lors du colloque maghrébin sur l'évaluation des systèmes pratiqués dans l'importation et l'industrialisation des céréales et des semences dans les pays maghrébins. En Tunisie, comme le rappelait, hier M. Mohamed Habib Hadded, ministre de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques, les céréales ont une grande importance sur les plans économiques et sociaux. Cela concerne la production, la collecte, le stockage, la commercialisation et l'industrialisation. Le secteur participe pour 14% dans la production agricole nationale et agit de façon substantielle sur la balance commerciale alimentaire. « En moyenne nous importons annuellement pour 300 millions de dinars de céréales, soit 28% du total des importations de produits agricoles », précise le ministre. Les producteurs de céréales représentent 51% du total des exploitants agricoles dont 150 mille sont des petits exploitants avec des surfaces inférieurs à 10 ha ( 62%), 80 mille des moyens agriculteurs avec des superficies variant entre 10 et 50 ha ( 33% ) et 10 mille grands agriculteurs aux exploitations supérieurs à 50 ha ( 5% ). La stratégie nationale du secteur des céréales tourne autour de plusieurs axes dont la réalisation d'une production annuelle moyenne de 19 millions de quintaux pour limiter les importations et alléger la pression sur la balance commerciale alimentaire. Une politique stimulante des prix à la production, est de nature à inciter les producteurs à intensifier leur production et à améliorer leur rendement.
Un laboratoire certifié La recherche scientifique est encouragée pour trouver des variétés de céréales qui s'adaptent mieux à notre climat et aux qualités du sol. L'encadrement des producteurs est intensifié. Une unité de gestion par objectif est créée pour concrétiser le projet de développement des céréales. Elle fournit l'appui le soutien et l'encadrement technique des exploitants agricoles. La mise à niveau et l'augmentation des capacités de collecte et de stockage est de nature à permettre la maîtrise des coûts de commercialisation. L'office des céréales joue depuis sa création en 1962 un rôle important dans la concrétisation de cette stratégie. Le système d'évaluation de la qualité des céréales est un des plus grands acquis réalisés durant les dernières années. Il vise la transparence totale pour sauvegarder les intérêts de toutes les parties et limiter les pertes consécutives à la détérioration de la qualité des céréales lors de leur stockage. Un laboratoire central a été crée en 2004. Il est certifié mondialement. Etant le seul au Maghreb, il peut être exploité par tous les pays maghrébins. Un réseau de 12 laboratoires dans les zones de production et huit dans les centres de stockage, permettent de procéder au contrôle continu de la qualité.
Réaliser des achats communs L'échelle de valorisation de la qualité des céréales a été unifiée par l'Office des céréales depuis août 2006. Cette expérience peut servir à nos voisins maghrébins. « Comme les défis sont pratiquement les mêmes, il est nécessaire d'intensifier la coopération maghrébine dans ce domaine », affirme en substance le ministre. La mise en place d'une stratégie maghrébine tenant compte des nouvelles données agricoles et alimentaires et développant les capacités actuelles, tout en sauvegardant et protégeant les ressources naturelles est plus que nécessaire. « Suite à la libéralisation du commerce international et ses incidences sur la compétitivité de l'agriculture dans les pays de l'UMA et les grands changements que connaissent les prix des céréales sur les marchés internationaux, nous sommes appelés à intensifier le dialogue et à coordonner les politiques maghrébines dans les relations bilatérales ou multilatérales avec l'Union européenne et l'Organisation mondiale du Commerce », déclare M Mohamed Habib Hadded. Les Maghrébins doivent réaliser des achats communs. En agissant ainsi, ils peuvent influer sur les prix. Ils auront une plus grande force de négociation.
Rester concret La sécurité alimentaire et la mise en place d'une stratégie de production alimentaire commune supposent de prendre comme points d'appui les facteurs communs qui caractérisent le secteur agricole dans les pays maghrébins et d'exploiter de concert les capacités existantes. Vu les grands moyens de stockage des céréales en Tunisie, il est proposé d'en faire bénéficier les autres pays maghrébins. Ce genre d'initiatives peut générer une plus grande intégration entre ces pays. Vu l'importance grandissante de la culture numérique et l'échange des informations, le ministre propose « la mise en place d'un système d'information maghrébin permettant la communication entre institutions maghrébines agissant dans les domaines de la recherche scientifique, de la production et des semences ». Dans le même ordre d'idées, le ministre propose la création d'un observatoire maghrébin des céréales qui servira de structure d'études, de suivi et prospection des évolutions du secteur. L'essentiel est que cette rencontre débouche sur des propositions pratiques. Hassine BOUAZRA
Sons de cloche
Ahmed Sribah ( Représentant de l'UMA ) : « Agir pour la sécurité alimentaire » « Le secteur agricole est un des fondements de l'économie maghrébine. Tous les pays du Maghreb ont réformé leurs systèmes de production pour les adapter à la mondialisation, la libéralisation des échanges et l'augmentation des besoins des habitants. L'U.M.A agit pour la sécurité alimentaire maghrébine à travers une intégration progressive. Il faut élaborer un système incitatif qui permet d'approvisionner le marché de façon continue. »
Chokri Ayachi ( Directeur Général de L'Office des céréales) : « Réunir les compétences scientifiques » « Dans la conjoncture actuelle on ne peut réaliser de progrès sans regroupement pour faire face à la concurrence sauvage. Le Maghreb est un des plus grands consommateurs dans le monde de blé. Les pays de l'Amérique Latine cherchent à produire du méthanol à partir des céréales. Des entreprises naissent tous les jours aux Etats - Unis pour produire de l'énergie à partir des céréales. Nous devons compter sur nous - mêmes pour réaliser l'autosuffisance. Il faut trouver des mécanismes qui permettent d'unir les compétences scientifiques dans ce domaine. »