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Bain mort !
LA VIE DANS LA CITE
Publié dans Le Temps le 02 - 02 - 2009

On peut dire que ça baigne quand on se baigne en raison des effets bénéfiques du bain sur l'état physique et psychique. Se laver le corps c'est comme le nourrir, c'est bien l'entretenir pour être en bonne santé et de bonne humeur. Chacun le fait à sa manière, mais il existe un moyen très commode : le hammam.
Avant quelques années, la question du choix ne se serait même pas posée, car cet établissement public était le seul lieu où on pouvait se baigner, on parle bien sûr de la quasi-totalité de la population. A l'époque, les salles de bain n'étaient pas très en vogue ou plutôt elles n'étaient pas à la portée de tout le monde, seuls quelques gens aisés en avaient. Aujourd'hui donc, le bain maure n'est plus la seule destination pour ceux qui veulent se baigner, il n'est plus entouré de la même auréole que jadis, il a perdu ses galons. Est-ce c'est dû à la concurrence que lui livrent les nouveaux lieux de baignade ou bien cela s'explique par d'autres raisons ?
Ces dernières années, la crise s'est installée dans ce secteur, celui des bains maures, il y a de moins en moins de clients, ce qui a contraint un bon nombre d'employés à quitter ce domaine, à changer de métiers et certains propriétaires à modifier leur emploi de temps. Lotfi qui était masseur dans un bain maure est actuellement manœuvre dans un chantier. « J'ai exercé ce métier pendant quinze ans, nous dit-il, c'est le seul que je sais faire, mais il y a deux ans, j'étais obligé de l'abandonner, les clients se faisaient rares et ma recette journalière ne dépassait plus la plupart du temps les cinq dinars, avant, le pourboire que je percevais dépassait de loin cette recette ». Ses propos sont corroborés par tous ses anciens collègues que nous avons rencontrés parmi lesquels Moncef qui travaille au hammam de Sidi Mehrez. « Le nombre des clients a sensiblement baissé, nous révéla-t-il, les commerçants qui se baignaient pratiquement tous les jours ne viennent plus qu'une seule fois par semaine, cette situation a obligé le patron à réduire le nombre des masseurs, nous étions douze et nous sommes actuellement six ». Quand un bain maure d'une telle réputation et situé au cœur de la médina est touché par la crise, il ne faut plus chercher ailleurs, celle-ci doit être encore plus grave pour les autres. Mohsen, propriétaire d'un hammam sis dans un quartier populaire nous fit part de ses grandes inquiétudes quant à l'avenir de ce métier. «Je ne travaille que les quatre derniers jours de la semaine, nous déclara-t-il, car de lundi à mercredi, il y a très peu de clients, et la recette ne couvre même pas les dépenses, le carburant coûte très cher, et vous savez que le bain maure fonctionne d'une manière très particulière que nous ne trouvons pas dans les autres commerces comme le café, par exemple, ici, on est obligé de bien chauffer avant d'ouvrir la porte, pour la séance du matin, on doit démarrer le brûleur à cinq heures pour accueillir à six heures les clients qui risquent de ne pas venir, et dans ce cas on aurait chauffé pour rien, gaspillé de l'énergie inutilement sans gagner un sou, personnellement, cela m'arrivait souvent surtout pendant la séance matinale des trois premiers jours de la semaine, nous subissons des pertes que nous ne pouvons pas éviter, elles font partie des règles du métier, on n'y peut rien ; le cafetier, lui, en est épargné, il ne passe le café que sur commande, lorsque le client est là, mais pas avant ».

L'anarchie
Son collègue Noureddine dont le commerce se trouve dans le même quartier est du même avis. « Nous sommes en crise, nous dit-il dépité, moi personnellement je suis menacé de faillite, je n'ai pas encore soldé le crédit bancaire que j'ai obtenu pour la création de ce projet, car je n'arrive plus à payer les échéances, les intérêts de retard ont alourdi ma dette, et là je risque de voir tous mes biens, la maison et le bain maure, saisis par la banque, puisqu'ils sont hypothéqués. La municipalité a aggravé notre situation, ajouta-t-il, indigné. Il y a trois hammams dans cette petite localité et elle a permis la construction d'un autre dont l'ouverture est imminente, déjà on se partage la recette d'un seul ; mais comment autorise-t-elle une chose pareille ? Elle agit comme si elle n'était pas au courant de la crise qui nous secoue. Par cette décision, elle a causé ma ruine, je n'ai plus aucun espoir ». A ce qu'on sache, le rôle de la municipalité est de procéder à des études pour déterminer les besoins de la ville ou de l'arrondissement qui relèvent de sa compétence territoriale, qu'elle a la charge d'administrer. Donc le nombre d'autorisations dans chaque commerce doit normalement être déterminé par le nombre des habitants et leurs besoins réels, sinon ce serait l'anarchie. D'ailleurs, on en voit quelques manifestations dans certains quartiers populaires où on trouve une série d'épiciers ou de salons de coiffure, par exemple, dans la même rue. Un autre homme du métier, Belgacem, propriétaire lui aussi d'un bain maure situé en centre ville, nous confirma la crise tout en ajoutant d'autres raisons à celles avancées par ses confrères. « La crise était amorcée depuis quelque temps, affirma-t-il, elle a commencé au milieu des années quatre vingt-dix quand on a interdit l'utilisation des déchets de bois et d'étoffe pour chauffer et la distribution des serviettes (el fouta) et qu'on a ordonné la fermeture des bassins. Pour nous, les commerçants, travailler avec le carburant n'est pas rentable du tout, on a plusieurs charges, et on ne peut pas augmenter les tarifs pour les raisons que vous connaissez, ils sont déjà élevés pour les gens moyens qui représentent l'essentiel de notre clientèle ; bien que le prix du mazout ait augmenté trois fois l'année dernière, j'ai gardé le même tarif. Avant, continua-t-il, on avait l'opportunité même de chauffer avec du bois qu'on achetait aux forêts du domaine public, moi personnellement, je m'en procurais de celle de Gammarth, j'y ai renoncé avant l'interdiction, depuis que le prix du mètre cube était passé de quatre à douze dinars. En plus des économies très importantes qu'ils nous permettaient de réaliser, ces produits offraient une chaleur naturelle dont les vertus thérapeutiques ne sont pas à démontrer, il est de même pour les bassins, les gens venaient spécialement pour se tremper dedans en particulier ceux qui souffraient de rhumatismes. Les serviettes « foutas » également sont indispensables, il y a les gens qui veulent prendre un bain à la pause de midi, donc ce n'est pas logique qu'ils se promènent avec leurs sacs toute la journée, on aurait pu imposer un contrôle d'hygiène plus sévère au lieu de supprimer les serviettes ».

La part de l'éducation
Certains clients avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont confirmé la crise. «Je ne suis pas un habitué du hammam, j'y viens très rarement surtout à l'occasion des fêtes, sincèrement je préfère la salle de bain », nous dit Ahmed . Cette attitude a été commenté par un autre client, Ali, lui est un grand fidèle de ces lieux. « Il est vrai que la crise économique est pour quelque chose, les gens sont sérieusement touchés dans leur pouvoir d'achat, mais à mon sens, la fréquentation des bains maures est une question d'habitude, si on y va depuis son jeune âge, on ne peut plus s'empêcher d'y aller, mes frères, par exemple, n'y vont jamais, car quand on était enfants, j'étais le seul à accompagner mon père au hammam, et là, j'essaye d'ancrer cette tradition dans l'esprit de mon fils en l'y prenant avec moi tous les dimanches pour qu'il ne soit pas comme ses oncles. Pour ce qui est de la salle de bain, moi j'en ai une comme plusieurs, et croyez-moi elle ne peut aucunement remplacer le bain maure ni par le coût, ni par la qualité, la consommation d'eau et de gaz dépasse de loin le tarif du hammam, et quoi qu'on en fasse, on n'a pas le même degré de chaleur qu'on trouve dans celui-ci, d'ailleurs, si on ne prend pas ses précautions, on risque d'attraper froid ; et je peux vous dire qu'il y a quelques uns qui n'ont pas la salle de bain chez eux et qui ne vont pas au bain maure, ce sont des gens sales qui n'ont aucune hygiène de vie, vous les voyez attroupés autour d'une table dans un café exhalant des odeurs fétides et quand ils ont quelques sous dans la poche, ils les dépensent dans les jeux de cartes.». Les bienfaits du bain maure ne s'arrêtent pas là selon un autre client. « Il a surtout un effet relaxant nous affirma Slah, un fonctionnaire, chaque jour avant de rentrer chez moi, j'y viens pour me détendre, le bain chaud et le massage m'apaisent les nerfs, c'est l'arme la plus efficace que j'ai trouvée pour lutter contre le stress, c'est le hammam qui m'a rendu ma sérénité et cette sensation de bien-être que j'ai perdues pendant un certain temps ».

Le thermalisme de fortune
D'après ces témoignages, les causes de la crise que vit le secteur des bains maures sont variées, certaines sont d'ordre matériel, se rapportant à la cherté de la vie, d'autres ayant un caractère culturel, mais aucune d'elles ne touche à la concurrence des saunas ou des stations thermales, la raison est toute simple : les prix des services prodigués dans ces établissements ne sont pas de nature à entrer en compétition avec le tarif très modeste du hammam, ils sont excessifs, ce qui veut dire que ces lieux ne sont pas destinés à tout le monde, mais seulement à ceux qui sont aisés. En outre, la comparaison entre eux et le bain maure est forcée, car la vocation de celui-ci n'est pas seulement thérapeutique comme les premiers mais aussi et surtout hygiénique. Et il remplit très bien la première fonction pour les gens modestes qui n'ont pas les moyens de se permettre un séjour à hammam Bourguiba, à Korbous ou à Djebel El Oust pour des bains médicaux ; avec une pâte ou une lotion magiques dont on enduit le corps dans la « chambre chaude » (bit eskhoun), on peut se procurer les mêmes soins que ceux assurés dans ces stations, il suffit d'être un peu imaginatif pour compenser sa frustration par une satisfaction.


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