Le Temps-Agences - Mais où diable est donc passée la "guerre contre la terreur"? La célèbre formule-choc, devenue leitmotiv et définition même de la présidence Bush, s'est évaporée du langage de la nouvelle administration américaine, l'équipe Obama lui tournant le dos à l'heure où elle cherche à changer la donne entre les Etats-Unis et le monde musulman. La formule ("War on Terror", dans sa version originale), avait vu le jour quelques heures après les attentats du 11 septembre 2001, pour ensuite atteindre l'omniprésence et tomber quasiment dans le langage courant aux Etats-Unis. Depuis qu'il est aux commandes, Barack Obama a bien entendu parlé de la "lutte contre le terrorisme et l'extrémisme", un combat de longue haleine. Et s'est juré de "gagner cette bataille". Mais il n'a employé qu'une fois, le 22 janvier au Département d'Etat, la formule "War on terror", tellement connotée qu'elle en est venue à être l'incarnation de la politique menée ces huit dernières années, où la "guerre contre le terrorisme" justifiait tout : la phrase a fini par englober toutes les entreprises militaires américaines, les guerres d'Irak et d'Afghanistan, toutes les actions menées à travers le monde contre les extrémistes. Gravitant dans un univers sémantique où elle côtoyait des formules comme "axe du Mal", "croisade" ou "choc des civilisations", elle a fini par être interprétée comme "étant anti-islam et anti-arabe", explique Anthony Cordesman, expert en sécurité nationale au Center for Strategic and International Studies (Centre pour les études stratégiques et internationales) de Washington. Aujourd'hui, les Etats-Unis devraient tourner la page des généralisations, parler plus spécifiquement des mouvements extrémistes concernés et éviter toute rhétorique "qui pourrait laisser entendre qu'il s'agit d'une lutte contre une religion ou une culture", estime-t-il. La "War on Terror" a donc semble-t-il perdu la guerre des mots. D'autant que Barack Obama a rapidement, symboliquement mais aussi concrètement, pris ses distances d'avec la manière de faire de son prédécesseur, en accordant sa première interview télévisée de président à la chaîne panarabe Al-Arabiya, à capitaux saoudiens. En y affirmant que l'Amérique n'était pas "l'ennemi" du monde arabe. En nommant un vétéran sur le dossier du Proche-Orient et en l'envoyant illico sur le terrain. En marquant sa volonté de s'attaquer aux dossiers irakien, afghan, iranien... Et quoi de mieux pour souligner ce changement que le langage? "L'un des contrastes entre les deux équipes est le soin avec lequel Obama utilise le langage", note Wayne Fields, professeur de langue et de culture américaines à la Washington University de Saint Louis. "Il pense aux implications subtiles". A la Maison Blanche, on affirme qu'il n'y a pas eu de boycott délibéré de la formule "guerre contre le terrorisme", entrée dans le langage courant et qui continue d'être utilisée, notamment par le porte-parole Robert Gibbs. Mais Juan Zarate, qui fut conseiller pour la lutte contre le terrorisme sous le gouvernement Bush, estime que la nouvelle administration cherche effectivement à reformuler les choses. "Il est clair qu'ils examinent très attentivement tous les aspects liés à la manière dont la guerre contre le terrorisme est vendue, y compris la terminologie", dit-il. "Il s'agit de voir comment encadrer un changement de politique, même si, au bout du compte, la réalité de la 'guerre contre le terrorisme' ne change pas tant que ça", estime-t-il. Histoire d'au moins peut-être, "gagner les coeurs et les esprits"?