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Une croissance économique contrariée
Le Temps du Monde: Le Maroc entre deux ères
Publié dans Le Temps le 26 - 02 - 2007

Cheikh Abdessalem Yassine, chef du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance), avait prédit, en 2005, que le Maroc sombrerait dans le chaos avant la fin de 2006.
La ''qaouma'', ou soulèvement général des Marocains, prédiction qui a plus fait rire ces derniers qu'elle ne les a effrayés, n'a pas eu lieu. Mieux encore pour le royaume chérifien, et tant pis pour ceux qui ont pris les paroles du cheikh pour argent comptant: l'année 2006 s'est terminée en apothéose, avec une croissance économique de 8,1%, dépassant ainsi les prévisions les plus optimistes. Ce taux à la chinoise, le plus haut du Maghreb, réalisé après un exercice 2005 plutôt morose en raison de la sécheresse, sera cependant difficile à égaler, ou même à approcher, à la fin de l'actuel exercice. Et pour cause: l'automne et l'hiver n'ayant pas été suffisamment pluvieux, l'actuelle campagne agricole risque d'être aussi mitigée que celle de 2005.

Contrairement au cheikh Yassine, qui croit aux djinns, à l'apocalypse et à bien d'autres balivernes, le maréchal Louis-Hubert Lyautey, résident général de France au Maroc entre 1912 et 1925, grand rationaliste devant l'Eternel, disait joliment qu'au Maroc, plus qu'ailleurs, «gouverner c'est pleuvoir». Cette phrase, les Marocains aiment à la répéter, surtout durant la saison des pluies, en scrutant longuement le ciel, espérant une prochaine averse. Car, au pays des Alaouites, le secteur agricole emploie encore 40% de la population active et contribue à 21,7% du PIB (2005). Et même si le Ministre des Finances et de la Privatisation, Fathallah Oualalou, l'un des principaux architectes de la politique économique du pays, aime à répéter que la croissance marocaine est de moins en moins dépendante des caprices du ciel, les opérateurs économiques du royaume continuent, et pas seulement par habitude, d'adapter leurs stratégies aux courbes de la pluviométrie.
En ce début 2007, il y a eu certes quelques averses, mais pas assez pour assurer une bonne saison agricole. Aussi les décideurs, relayés par journaux, commencent-ils à parler de sécheresse. Des précipitations peuvent encore survenir en mars, mais une partie des récoltes semble déjà compromise. Faisant preuve de réalisme, mais sans sacrifier au pessimisme, le gouvernement de Driss Jettou a construit la loi de finances 2007 sur une hypothèse de 3,5% de croissance et prévu une légère détérioration du déficit budgétaire (hors recettes de privatisation), qui devrait ainsi passer de 4,3% du PIB en 2006 à 4,5% à la fin de cet exercice.

Le vent en poupe
Avec un revenu national nominal annuel en 2005 estimé à 52,3 milliards de dollars US, le Maroc se classe, selon les statistiques de la Banque mondiale (BM), en 5ème position en Afrique, après l'Afrique du Sud (240,1 milliards), l'Algérie (102,2 milliards), l'Egypte (92,9 milliards) et le Nigeria (74,2 milliards). Hors hydrocarbures, le royaume alaouite est cependant considéré comme la 3ème puissance africaine.
Durant l'exercice écoulé, le taux de croissance du PIB s'est établi, comme déjà expliqué, à plus de 8,1%. Ce record historique a été rendu possible par la bonne santé de secteurs clés de l'économie comme le BTP, l'agriculture et la pêche, les industries manufacturières, les télécommunications et le tourisme, avec 6,8 millions de visiteurs étrangers.
Sur un autre plan, le déficit budgétaire a été maintenu à moins de 2% et celui d'inflation à 2,8%. La balance des paiements a dégagé un important excédent et les réserves ont atteint 21 milliards de dollars. Quant aux exportations, qui ont progressé de 11,2% (contre une hausse de 11% des importations), elles ont dépassé le seuil «psychologique» des 10 milliards de dollars (contre 9,4 millions en 2005), dégageant ainsi, pour la sixième année consécutive, un excédent commercial en hausse annuelle de 4,2%.
En matière d'exportation, la contribution de l'industrie reste importante, notamment le textile-habillement, donné pour sinistré après le démantèlement des accords préférentiels avec l'Union européenne en janvier 2005, mais qui a montré une grande vitalité à l'exportation, en hausse de 14% au cours de l'exercice écoulé.
Les deux autres principales ressources extérieures du pays, les transferts des MRE (Marocains résidants à l'étrangers) et les recettes touristiques ont progressé, eux aussi, atteignant, respectivement 6,3 et 29,2 milliards de dirhams marocains (environ 630 millions et 2,92 milliards d'euros).
Malgré les doutes liés à une pluviométrie insuffisante, l'année 2007 a relativement bien démarré, elle aussi. Le dynamisme économique marocain se traduit par l'accélération de l'investissement des entreprises marocaines au Maghreb et en Afrique subsaharienne, dans des secteurs aussi diversifiés que la banque, le BTP, la chimie, les transports, l'énergie et les TIC. Il se traduit aussi par les nouvelles positions africaines de Maroc Télécom qui vient de racheter Mauritel en Mauritanie, Onatel au Burkina Faso et Gabon Telecom.
Ces déploiements des investisseurs marocains dans les autres pays d'Afrique aideront sans doute à améliorer l'environnement des affaires au Maroc et à attirer davantage d'investissements directs étrangers.

Le poids du passé
Pourquoi, malgré cette relative bonne santé économique, le Maroc continue-t-il de souffrir de problèmes endémiques, comme la pauvreté, le chômage, l'habitat précaire, les inégalités sociales et l'analphabétisme, qui touche encore, selon les chiffres officiels, 48% de la population ?
La cause de ces problèmes - qui ont été identifiés dans le rapport de 4 000 pages intitulé «Cinquante ans de développement humain. Perspectives 2005», réalisé à la demande du Palais et publié il y a quelques mois - doit être recherchée dans les carences de développement héritées du passé.
En effet, l'Etat marocain a longtemps été, sous Hassan II et son ministre de l'Intérieur Driss Basri, un Etat sécuritaire omniprésent, extensif et envahissant, qui a fortement gêné le développement économique, fragilisé les acteurs privés et affaibli les garde-fous institutionnels. Tout en mettant en route les réformes structurelles rendues nécessaires par ses engagements internationaux (vis-à-vis de l'Union européenne, de l'Organisation mondiale du commerce ou des autres Etats auxquels il est lié par des accords de libre échange...), l'Etat marocain est resté très centralisé et centralisateur, rechignant à laisser les acteurs économiques affirmer leur autonomie et devenir des partenaires à part entière, et encore moins des contre-pouvoirs.
Depuis l'avènement du premier gouvernement d'alternance, dirigé par le socialiste Abderrahmane Youssoufi (février 1998-octobre 2002), qui a amené à la barre une équipe composé de politiques et de technocrates, la gouvernance économique s'est beaucoup améliorée. Et avec elle la situation macroéconomique du pays. Le taux de croissance moyen est ainsi passé de 3,5% durant les années 1990 à 4,5% durant les cinq premières années de 2000. Les rentrées fiscales sont devenues plus substantielles grâce à un effort de recouvrement et un retour fiscal positif des entreprises privatisées. Par leur dynamisme retrouvé, celles-ci ont apporté à l'Etat des ressources de remplacement relativement importantes. Les délocalisations d'entreprises étrangères, qui ont amené au pays leur know how technologique, et l'afflux de capitaux en provenance des pays du Golfe ont fait le reste.
Résultat: sept ans et demi après l'accession de Mohamed VI sur le trône, le Maroc s'en sort plutôt bien dans l'ensemble, voire mieux que certains pays arabes producteurs d'hydrocarbures. Cela mérite d'être souligné et salué, d'autant que le royaume alaouite ne dispose pas de grandes ressources naturelles, à l'exception des phosphates, dont il possède le tiers des réserves mondiales et en est le premier exportateur mondial, et de bonnes terres agricoles, relativement bien exploitées.

Des performances en dents de scie
Cependant, pris sur la durée, le taux de croissance moyen reste en deçà des ambitions affichées. Il ne permet pas, en tout cas, d'absorber les retards du Maroc, notamment sur le plan social. Le PIB par habitant, par exemple, est l'un des plus faibles du Maghreb et le taux d'alphabétisme reste assez élevé (48% selon des statistiques publiques). Officiellement, le taux de chômage est passé 11,1% en 2005 à 9,7% en 2006, passant ainsi sous le seuil fatidique des 10%. Cependant, un chômeur sur cinq est diplômé du supérieur. Malgré, les nombreux programmes sociaux mis en route par le gouvernement et les ONG nationales et internationales, assez actives dans le pays, l'extrême pauvreté touche encore 19% de la population (chiffre de 2005). En témoigne le nombre impressionnant de bidonvilles ceinturant les grandes villes, où prospèrent les réseaux de l'islamisme radical et des trafics de toutes sortes. Ainsi, selon une enquête publique réalisée en 2004, le royaume compte quelque 1000 bidonvilles, situés dans 83 centres urbains. A elle seule, la ville de Mohammedia en compte une soixantaine, répartis sur 6 communes. 900 000 ménages, soit 5 millions de personnes, dont 277 000 en milieu urbain, vivent donc dans des habitats précaires.
Lancé en 2004 à grand renfort médiatique, le programme «Villes sans bidonvilles» ambitionne de juguler les habitats précaires de tout le royaume à l'horizon de 2010. Son coût est estimé à 20 milliards de dirhams marocains (2 milliards d'euros). Trois ans après, le bilan est plutôt mitigé, la tâche s'étant révélée plus compliquée que prévu. Le blocage du nouveau code de l'urbanisme est sans doute pour beaucoup dans les retards enregistrés. Ainsi que les lenteurs bureaucratiques, souvent d'ailleurs induites par des conflits d'intérêts et les difficultés de dégager des terrains exploitables. Sans oublier la réticence de certains habitants des bidonvilles à quitter leurs taudis. Résultat: sur les 60 000 habitats populaires déjà réalisés dans le cadre du programme, 19 000 n'ont pu encore trouver preneurs, explique Mohamed Najib Halmi, directeur de l'Habitat social et des Affaires foncières.
C'est ce qui fait dire à Mohamed Ennaji, sociologue et économiste, que «le Maroc ne semble pas faire preuve d'un dynamisme particulièrement vif en matière de développement. Les avancées revendiquées sont plutôt partielles et sectorielles. Elles restent confinées aux domaines liés au politique et propices à des impacts médiatiques considérables».
Traduire: si elle permet de redorer le blason de la monarchie alaouite et d'attirer des investisseurs étrangers, la vitrine politique et médiatique ne peut cacher les retards de développement d'un pays où la majorité de la population (plus de 74% des jeunes, 69% des universitaires, 62% des hommes et 49% des femmes) rêvent de partir à l'étranger, selon une enquête menée auprès d'un échantillon représentatif de 1000 personnes par le magazine ''Tel Quel'' du 27 septembre 2004.
La même enquête montre, par ailleurs, une profonde islamisation de la population. Ainsi, 72% des Marocains, toutes tranches d'âges comprises, accomplissent le rituel du jeûne de ramadan. La moitié des adolescents et des trentenaires font la prière cinq fois par jour et, signe manifeste de ce conservatisme rampant, 71% des universitaires se conforment aussi à ce rite.
Cette «islamisation» profonde a son corollaire: une désaffection de la politique. Car, comme le montre la même enquête, à peine 10% des Marocains souhaitent adhérer à un parti. Chez les jeunes et les plus instruits, le désintérêt pour la politique atteint le taux record de 68 à 81%.
D'où la crainte de voir ce «ouzouf» (désaffection, désenchantement...) profiter aux candidats du Parti de la justice et du développement (PJD) aux élections législatives de septembre prochain.
Ces islamistes modérés, souvent comparés aux membres de l'AKP, actuellement au pouvoir en Turquie, n'ont jamais été associés au pouvoir. De ce fait, mais pas seulement, ils bénéficient d'une réputation d'intégrité. Au moment où des scandales de corruption ne cessent d'éclabousser des responsables au plus haut de la hiérarchie administrative et sécuritaire, cette réputation pourrait constituer un argument de taille pour mobiliser les électeurs autour d'un programme de moralisation de la vie publique.


La corruption en question
Un épisode, survenu le 12 février dernier, au Parlement, a de quoi nourrir la suspicion des contribuables quant à la volonté des élites politiques à régler définitivement le problème de la corruption.
Après l'adoption d'un projet de loi par le Conseil de gouvernement, une commission de la seconde chambre a refusé, non pas de l'adopter, mais carrément de l'examiner. Certes, ce projet de loi exige des fonctionnaires et des élus qu'ils déclarent obligatoirement - sous peine de sanctions - déposer à la Cour des comptes (une fois par an pour les fonctionnaires, au début, au milieu et à la fin de leur mandat pour les élus) une déclaration de patrimoine complète. Il ne risque pas cependant d'instaurer un contrôle sévère sur les fortunes des fonctionnaires et des élus. Et pour cause: les déclarations déposées à la Cour des comptes sont tenues secrètes. Celle-ci, qui est seule habilitée à saisir la justice, ne risque pas de nourrir des suspicions à l'égard des déclarants, sauf, peut-être, dans le cas où ceux-ci deviennent... politiquement peu accommodants. «Qui se sent morveux?.. », a titré Ahmed R. Benchemsi son éditorial de ''Tel Quel'' n° 261 (17 février 2007). Et d'ajouter, sans ironie aucune: «Autrement dit, la corruption a encore de beaux jours devant elle».
R.K.

Le «26-26» marocain
Conscient des retards du royaume dans les domaines sociaux, le roi Mohamed VI, surnommé «le roi des pauvres» par les thuriféraires locaux, a lancé l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), une sorte de «26-26» marocain, qui vise à réduire la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale, à travers le soutien aux activités génératrices de revenus, le développement des capacités, l'amélioration des conditions d'accès aux services et infrastructures de base (éducation, santé, culte, route, eau et assainissement, protection de l'environnement etc.) et l'aide aux personnes en grande vulnérabilité.
Une enveloppe de 10 milliards de dirhams (1 milliard d'euros) est allouée à cette Initiative pour la période 2006-2010. Ce montant sera dépensé selon le planning suivant: 1 500 millions de dirhams marocains (MDM) en 2006, 1 750 MDM en 2007, 2 000 MDM en 2008, 2 250 MDM en 2009 et 2 500 MDM en 2010.


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