Un adage dit que « la magie n'agit que sur ceux qui y croient ». Cette logique est également appliquée chez tous les voyants et autres sorciers. Il faut d'abord croire en leur pouvoir surnaturel et accepter ensuite d'en être un sujet docile. Toutes les conséquences sont, à la fin, des fatalités car les décisions appartiennent à ce pouvoir supérieur auquel on s'est confié et ne sont plus du ressort de l'être humain qui est un simple vassal. C'est à partir de tels supports que toutes les affaires d'escroquerie ont pris leur essor. Autrement vu, un être humain normalement constitué pourrait-il croire que l'on peut changer le charbon en diamant ? Comment se fait-il qu'il ne se pose même pas de questions sur les raisons ayant empêché ce voyant de s'enrichir lui-même en même temps que les autres ? La réponse réside tout bonnement dans cette fameuse servitude à cet être supérieur et dans cette intime conviction de sa supériorité. Ces diverses escroqueries multiformes auraient disparu s'il n'y avait pas ces personnes crédules qui croient fermement qu'on peut transformer le charbon en diamant. En d'autres termes, ce sont les alchimistes des temps modernes. Deux hommes de cet acabit ont récemment comparu devant le tribunal de première instance de l'Ariana pour répondre du délit d'escroquerie. Les deux accusés étaient enfouis dans une Djellaba de la tête aux pieds. Ils ne cessaient de psalmodier du coran pour faire croire leur entière dépendance de l'au-delà. Pourtant, c'étaient des escrocs de la pire espèce. Ils ont soutiré à un agriculteur très crédule plus de huit mille dinars et un veau pesant plus de 700 kilogrammes qu'ils ont fait égorger par un boucher et répartir entre les habitants de leur quartier. Les deux escrocs s'apprêtaient à soutirer à l'agriculteur plus de vingt mille dinars pour une prétendue séance de magie où ils seraient capables de transformer des quantités faramineuses de charbon en un tas de diamant. L'agriculteur a cru à l'aubaine et c'est son fils qui a alerté la police pour mettre fin aux agissements de ces escrocs. Le fils a informé les agents qu'il était dans l'impossibilité de dissuader son père de suivre l'appel des charlatans. Il s'est fié à la police pour couper court à l'escroquerie. Le jeune homme a informé les agents de la date et du lieu de cette opération. Au moment indiqué, les deux charlatans s'étaient amenés, munis d'un coq noir et accompagnés du vieil homme. Il y avait un tas de charbon entassé dans le coin. Les deux escrocs ont procédé à des danses en transe et ont brûlé beaucoup d'encens. Puis, ils ont demandé au vieil homme de mettre l'argent dans un coffre métallique qu'ils ont mis au milieu du feu et ont récité des litanies incompréhensibles. A la fin de la cérémonie, les deux escrocs ont demandé au vieil homme de s'endormir sur le charbon en lui assurant qu'il se retrouverait demain sur un tapis en soie brodé de diamant et de saphir. Le bonhomme a cru à l'aubaine et a appliqué à la lettre les consignes des deux escrocs. Et alors que l'agriculteur crédule dormait d'un sommeil profond, les deux escrocs ont mis la main sur le coffre d'argent et allaient partir n'eut été l'intervention des agents de police qui avaient mis les deux lascars sous surveillance dès le début de l'opération. Les agents de police ont arrêté les deux charlatans la main dans le sac alors qu'ils allaient faire démarrer leur voiture qui s'avérait volée. Les escrocs n'avaient pas d'avocat et le Tribunal leur a commis un avocat d'office et renvoya l'affaire afin de permettre à celui-ci de réunir les éléments de sa défense.