Il y a quelques semaines, nous évoquions sur nos colonnes l'état de dégradation dont souffre le port de Sidi Bou Saïd. Mais cette situation n'a rien de commun avec ce qui se passe au port de Bizerte, que nous avons visité au début de cette semaine... En effet, par centaines, des barques rouillées et partiellement brisées s'entassent à même le sable, avec des moteurs éventrés et des détritus remplissant leurs cales. Plus loin, de grands bateaux sont placés sur des cales, attendant d'être réparés et occupant un grand espace souillé d'huiles de moteurs et autres objets hétéroclites. Les jetées en bois pourri sont branlantes, menaçant de faire basculer ceux qui osent s'y aventurer dans l'eau sale du port. De nombreux bateaux sont alignés de façon artisanale, ou en double file, avec des risques de rupture de leurs amarres. Certains sont d'ailleurs dans un très mauvais état, à croire que le port est un lieu d'enterrement des vieilles embarcations. De nombreuses sources nous ont affirmé que personne ne paye plus les frais de port et la location des anneaux qui sont mis à la disposition des plaisanciers et ce depuis longtemps. Les propriétaires de ces bateaux ont, en outre, reçu des lettres officielles qui leur demandent de déplacer leurs bateaux et de les emmener ailleurs dans le plus bref délai, ce que personne n'a encore fait. Or, vu le manque de structures portuaires de plaisance et l'explosion de la demande depuis quelques années, les solutions ne sont pas nombreuses. Au beau milieu de ce décor d'apocalypse, trône un café qui abrite un tout petit bureau qui sert de capitainerie à ce port. Pas très exigeant le capitaine ! Interrogé, celui-ci nous a affirmé que « le port allait fermer très bientôt et qu'une entreprise a été chargée de le reconstruire de fond en comble. Les travaux vont s'étaler sur deux ans. » Mais que vont devenir les centaines de bateaux amarrés là ? Le capitaine reste évasif : « ils vont être répartis entre le port de Menzel Bourguiba et d'autres petits ports de la région. » Or ces ports sont déjà saturés et on ne voit pas comment ils pourraient résorber une telle flottille. Certains, comme celui de Cap Zebib ne sont même pas gardés, d'où les problèmes de vol que vont courir ces bateaux, rapides et puissants et donc tentant pour relayer la Sicile toute proche... Encore une fois, certains responsables font preuve de grande légèreté et d'un manque évident de prévision à long terme...