Il est tout à fait normal, qu'à 180 minutes de la fin de ce championnat, les nerfs soient à fleur de peau, que les supputations aillent bon train, que les spéculations versent dans le surréalisme. Normal et logique que tout cela. On ne comprend toujours pas néanmoins qu'on doive toujours attendre les moments délicats pour draper l'atmosphère de ces discours pompeux, quelque part rébarbatifs, sinon syncopés, sur l'éthique, la transparence et la droiture. Aujourd'hui les enjeux du football dépassent l'entendement. Leurs pesanteurs se sont même étendues à des disciplines généralement dépassionnées comme le handball, le volley-ball ou encore le basket-ball. D'aucuns en imputent les avatars à un professionnalisme décapant, sans règles et qui ne profite qu'aux joueurs. D'autres soulèvent la dichotomie entre le statut de professionnels des joueurs et le statut amateur des clubs. Sinon, entre les rhétoriques, on ne manque pas de rappeler les "éternels avatars de l'arbitrage maison", les complicités inavouées entre dirigeants de clubs et bien sûr on ne manque pas de lancer des fléchettes du style institutionnel: la Ligue en a pour son compte et la fédération est désignée du doigt. Mais au fait pourquoi ce football est-il si envenimé par les poisons de l'outrance? Quelque part, il s'avère ingérable. Les règles éthiques d'antan – et même celles qui régissent des championnats stratosphériques comme ceux anglais, italien ou espagnol – font ringard. Lorsqu'on parle d'encadrement des supporters, de respect de l'adversaire, de l'acceptation du résultat on s'entend rétorquer que ces formules sont d'un autre âge. Peut-être aussi, sans doute même, une part de responsabilité doit-elle incomber aux médias (c'est à dire nous) en proie à la surenchère de l'audimat et de la diffusion. De surcroît, cette banalisation du dénigrement à laquelle on assiste dans les émissions télévisuelles devient systématique et comme mue par un cynisme carnassier. Cette libération totale de la parole, ce manque de retenue, l'absence de diplomatie dans la critique attisent les passions, jouent sur l'imagerie populaire et clouent les dirigeants et les entraîneurs au pilori. De sorte qu'eux mêmes, ils ne se retiennent plus. Comment cela est-il intériorisé par les supporters? Simple, cela les tétanise. Et tout le danger est là.