Le droit de la société à se protéger contre les criminels ; le droit des citoyens à des procès équitables : « Les procédures ne peuvent à elles seules garantir la justice équitable ; le juge doit aussi apprécier la valeur de l'être humain » L'unité de recherche « droit pénal et des affaires » de la Faculté des sciences juridiques, économiques et de gestion de Jendouba a organisé un colloque international sur : « Justice pénale : quelle évolution ? », et ce, en collaboration avec la Fondation Allemande Hanns Seidel. Ce colloque a été une occasion pour débattre diverses problématiques se rapportant à cette branche de droit et notamment en matière de concept du procès équitable, du caractère opportuniste de la justice pénale économique (l'exemple de l'incrimination du refus vente) et du développement du droit pénal international.
Les impératifs Le droit pénal évolue en fonction de la structure de la société et des rapports qui régissent la relation de l'Etat avec les individus. Ces mêmes facteurs agissent sur l'évolution des juridictions répressives et sur les procédures suivies. De ce fait, la théorie de la procédure pénale s'est trouvée confrontée à des problèmes d'ordre politique sur les rapports de l'individu et de l'Etat et, concrètement, la recherche de l'équilibre entre la liberté et la sécurité, entre les soucis de préserver l'ordre public et le respect des Droits de l'Homme. La mission des chercheurs et des législateurs en matière de droit pénal, c'est de chercher l'équilibre « combien précaire ! » au sein de ce couple. Dans son allocution d'ouverture, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et de la Technologie, Lazhar Bououny, a précisé : « nos législations ont veillé à réaliser l'équilibre difficile ( que notre pays a toutefois démontré qu'il est possible) entre le droit de la société à se protéger et de se munir de mécanismes afin de poursuivre les criminels, d'une part, et, d'autre part, le droit des citoyens à des procès équitables où toutes les garanties de défense sont assurées suivant nos principes constitutionnels, nos choix politiques et en harmonie avec l'appel des Nations Unies dans ce sens. D'ailleurs, les nouvelles législations en matière pénale présentent un dénominateur commun entre le respect des Droits de l'Homme et le souci d' « humaniser » le droit pénal. Ainsi, un équilibre est instauré entre le besoin de réinsertion du coupable et le besoin de défendre la société. » Pour sa part, le représentant de la Fondation Hanns Seidel en Tunisie, Jamil Hayder, a expliqué l'apport de tels colloques dans le développement de la recherche scientifique : « l'université doit garantir une meilleure formation dans toutes les branches du savoir académique et pratique de l'enseignement supérieur. La Fondation Hanns Seidel cherche à servir cet objectif en renforçant la décentralisation universitaire et à prêter main forte aux universités de l'intérieur qui sont moins fournies en potentiel humain et matériel. Ce colloque, organisé par l'université de Jendouba, sur l'évolution de la justice pénale y contribue pleinement. Les étudiants ont l'occasion d'assister à des communications de haute facture et les enseignants échangent les expériences avec leurs confrères.»
Regards croisés Ce colloque a été aussi l'occasion pour essayer une approche comparative entre les droits, tunisien et marocain, en matière de procès équitable. Le Professeur Abdallah El Ahmadi a énuméré les trois principales conditions qui sont, selon lui, garantes de l'équité : « l'indépendance de la justice, la neutralité des juges et la présomption d'innocence ». Il a cité quelques objets de réflexion qui nécessitent, selon lui, de nouveaux textes pour améliorer la structure législative en matière de droit pénal : « le jugement immédiat n'est pas équitable. Le droit au silence doit être respecté. La possibilité de plaidoirie de l'avocat doit être garantie, même en l'absence du prévenu. ». Le Professeur El Ahmadi a conclu en affirmant : « les procédures ne peuvent à elles seules garantir la justice équitable ; le juge doit aussi apprécier la valeur de l'être humain. ». Pour évaluer l'expérience marocaine, le Professeur Abdelaziz El Hila, de la faculté des sciences juridiques et sociales de Rabat-Agdal a ainsi présenté la problématique : « Au fait, autant il est compréhensible que la police judiciaire se doive d'être dotée d'attributions appropriées - étant entendu que la logique de la police est une logique de recherche de la culpabilité et donc, de la défense de l'ordre public et de la sécurité- autant il est légitime d'exiger, au nom des Droits de l'Homme, que ces pouvoirs soient minutieusement réglementés et assortis de garanties tellement suffisantes que le risque d'abus ou d'erreurs soit des plus minimes. ». D'autre part, la contribution de Silvia Tellenbach, chercheur à l'Institut allemand Max-Planck, sur : « la loi allemande du 26 juin 2002 instituant un code de droit pénal international », et celle de Abdelkader Bkirat, de la faculté de droit d'Alger sur : « la légitime défense en droit pénal international » représentent un apport supplémentaire en la matière. De par la variété des thèmes traités et la richesse des communications présentées, le colloque a apporté de nouvelles contributions dans diverses problématiques du droit pénal.