La première promotion de la réforme Licence-Master-Doctorat " LMD " sort cette année de l'université tunisienne et ses lauréats reçoivent à partir de la prochaine rentrée universitaire une formation de Masters, aussi bien fondamentale que professionnelle. Ladite réforme a déjà atteint sa vitesse de croisière. Seules les études de médecine, de pharmacie et d'engineering ont été épargnées. Le reste des filières est concerné par la "LMDisation" de l'université. Mais, cette généralisation de la " LMD " ne fait pas, semble-t-il, l'unanimité parmi le corps universitaire, surtout en ce qui concerne son volet de professionnalisation. Plusieurs voix se sont déjà élevées au sein des conseils scientifiques des établissements supérieurs, et notamment des facultés de lettres, pour contester des décisions prises sans l'avis préalable desdits conseils.
Professionnaliser : oui, mais... La réforme " LMD " a introduit des parcours " professionnalisants " dans l'enseignement supérieur. La loi d'orientation N° 2008-19 consiste à orienter deux tiers des bacheliers vers ces parcours. L'administration a opté pour ce choix dans l'objectif de faire face à la problématique du chômage. Elle essaie d'installer une synergie avec le monde du travail pour augmenter l'employabilité des diplômés. On est même parvenu à introduire des licences co-construites entre les établissements supérieurs et les professionnels pour garantir le contenu de la formation et l'emploi. Près de trente licences appliquées sont déjà en cours de formation et l'administration de développer l'expérience avec d'autres filières. Cette expérience est conduite en partenariat avec les universités françaises, tout comme la cotutelle pour les doctorants. Mais, s'il est vrai que les universitaires veulent travailler pour installer cette synergie à laquelle ils croient dur comme fer. Ils insistent sur la nécessité de préserver la qualité de l'enseignement académique prodigué aux étudiants. D'ailleurs, leur fédération syndicale a récemment publié un communiqué dans lequel elle fait part de l'opposition exprimée par plusieurs conseils scientifiques à l'application immédiate de l'article 11 du décret N° 3123/2008. Lequel décret stipule que la formation universitaire est dispensée aux étudiants dans la proportion de deux tiers dans les filières professionnalisantes et d'un tiers dans les filières fondamentales. Les universitaires ont exprimé leurs réserves par rapport à l'explication donnée par le ministère à cet article.
Les réserves des universitaires Le communiqué de la fédération de l'enseignement supérieur précise que l'administration a outrepassé les attributs de l'article 11 du décret N° 3123/2008 en cherchant à ne pas limiter la proportion de deux-tiers / un tiers au nombre d'étudiants et à l'étendre au nombre de filières ce que contestent vigoureusement les enseignants universitaires. Ils rappellent que les cycles préparatoires de formation d'ingénieurs, les Instituts Supérieurs des Etudes Technologiques " ISET " et d'autres écoles supérieures dispensent également une formation professionnalisante. " Leurs étudiants devraient s'intégrer dans la proportion des deux tiers des parcours appliqués ", insistent-ils. Le Secrétaire Général de la fédération, Sami Aouadi, rappelle également que l'article 11 de la loi N°2008/19 stipule que " les universités sont indépendantes dans l'exercice de leurs fonctions pédagogiques et scientifiques et garantissent l'objectivité du savoir ". Laquelle indépendance n'a pas été respectée, selon M. Aouadi. Le communiqué de la fédération reproche à l'administration d'avoir enfreint cette indépendance en multipliant les contacts avec les établissements supérieurs pour les pousser à entériner l'interprétation de la tutelle de la loi N° 2008/19 et du décret N° 3123/2008 sans même leur fournir les données sur les besoins nationaux par catégorie de formation pour élaborer de meilleurs projets loin de toute improvisation. La Fédération de l'enseignement supérieur déplore l'absence d'un esprit collégial dans ce dossier fondamental pour l'avenir de l'université. Elle rappelle la nécessité de faire passer ces amendements par le canal des conseils scientifiques qui expriment les points de vue du corps enseignant. Donc, après toutes les longues discussions ayant accompagné l'adoption de la loi N° 2008/19 sur l'enseignement supérieur, c'est l'application de ladite loi qui suscite maintenant des réserves. Affaire à suivre.