Il faut en toute chose garder le sens de la relativité. Le respect dû à l'enseignant n'induit pas forcément la croyance en son infaillibilité et à supposer, comme dit le poète, qu'il soit presque un prophète, ses disciples ne doivent jamais prendre ses paroles pour le Verbe de Dieu. Au contraire, l'enseignement de qualité développe chez tout apprenant l'esprit critique, la remise en question de tous les savoirs, notamment ceux qui ne procèdent pas d'une science exacte. Respecter son maître n'est pas le vénérer : c'est sans doute la vérité à laquelle ont abouti la semaine dernière les élèves de la sixième année de l'enseignement de base qui durent passer le concours des collèges pilotes. L'erreur qui s'est glissée dans l'énoncé du problème de calcul et qui a inversé la règle concernant les mesures du rectangle, n'est pas en réalité le fait de l'enseignant seul, toute l'équipe d'inspecteurs faisant partie de la commission des examens assume l'autre partie de la responsabilité, car les propositions d'examen qui leur parviennent doivent en principe être lues et relues avant d'être retenues. Il semble que là aussi on ait aveuglément fait confiance à l'auteur de l'énoncé erroné, partant sans doute de cette certitude qu'un instituteur chevronné ne pouvait tout de même pas se tromper sur la différence de mesure entre la longueur et la largeur d'un rectangle. Il est même probable que ce soit un de leurs collègues inspecteurs qui a rédigé le problème. Et nous revenons ainsi à la problématique initiale et à cette nécessité de garder la distance critique à propos de tout et de se méfier même (et surtout) des évidences. En tout cas, l'erreur de vendredi n'est pas unique en son genre, ni chez nous ni ailleurs.
Cervantes empiète sur Dante En effet, à la session principale du baccalauréat de cette année, une élève d'un centre d'examen reçut à la place du questionnaire d'Italien qu'elle devait passer ce matin-là, l'épreuve d'espagnol. La candidate ne s'est pas aperçue de l'erreur, elle répondit aux questions comme s'il s'agissait d'un devoir d'italien. Dans un autre centre, on distribua 2 feuillets de l'examen alors que l'épreuve était en trois pages. Là non plus, les élèves ne se rendirent pas compte que l'énoncé était incomplet et travaillèrent sur la moitié du devoir. A l'Université, il est fréquent à cause de la semestrialisation des examens que l'on distribue les épreuves du premier semestre à la place des devoirs du second et vice versa. Une fois, les étudiants d'un établissement de l'intérieur du pays faillirent se mutiner parce que le directeur de leur département refusait de les croire lorsqu'ils lui firent remarquer que l'énoncé du sujet portait sur le programme du début de l'année. Cela se passait dans deux amphithéâtres de 300 places chacun qui plus est voisins. Nous vous laissons imaginer le vacarme que les candidats provoquèrent pendant la première heure. On dut finalement appeler l'enseignant de la matière et vérifier avec lui les allégations des étudiants. Le professeur les confirma et fut prié sur l'instant de concevoir le devoir de rechange.