Les résultats du baccalauréat de la session de juin 2007, (sessions principale et de contrôle confondues) ont encore une fois mis à nu les faiblesses criardes de l'élève tunisien en langue française. Les notes catastrophiques obtenues par la plupart des candidats (on avance le chiffre de 3000 « zéros ») dans cette matière témoignent de ce constat amer et alarmant. Sur les pages de notre journal (édition du 29/06/2007 et du 12/07/07) MM. Naceur Bouabid et Hechmi Khalladi (enseignants) ont essayé de donner les raisons de ce fiasco général chacun à sa manière. De part et d'autre on a évoqué le niveau médiocre des apprenants comme première justification de cette grande débâcle. Dégringolade imputée à divers facteurs. Inefficacité de la pédagogie utilisée, inadéquation des manuels scolaires et des programmes élaborés avec le niveau réel des élèves. On a également abordé la question du barème suivi pour corriger l'épreuve de français proposée lors de cet examen national. Dans cet ordre d'idées, on a parlé de son aspect punitif et on est allé même relever l'absence d'harmonisation entre les différents centres de correction (hypothèse difficile à vérifier). Tout cela est vrai, voire indiscutable mais il y a un autre aspect non moins important à relever, c'est de connaître les critères à retenir pour choisir l'épreuve finale à soumettre aux candidats. Ce choix définitif passe par un long et minutieux tri. De commission en commission, le sujet proposé est filtré au peigne fin par la fine fleur des inspecteurs de cette matière au niveau régional puis national (on parle de 24 propositions au départ pour retenir finalement 6 épreuves). Jusque là tout est clair, mais là où le bât blesse c'est que toutes les épreuves proposées finement tamisées font l'objet des critiques les plus acerbes de la part des différentes commissions de correction réparties à travers toute la République. Des rapports souvent houleux sont immédiatement envoyés à la direction nationale des examens au Ministère de l'Education et de la Formation. C'est devenu une pratique rituelle à la fin de chaque session de cet examen. Rebelote, l'année d'après, les mêmes remarques sont faites, les mêmes critiques sont adressées, les mêmes rapports circonstanciés sont envoyés, mais les mêmes lacunes sont relevées au niveau de la conception de cette épreuve « maudite » . A un certain moment, on a même l'impression que la panoplie de commissions d'examen dont on vante la vertu, la compétence et la rigueur ne sont en vérité que des commissions « fantômes » qui n'existent que théoriquement. Personnellement, j'ai voulu aborder le travail de ces « fameuses » commissions d'examen parce que, à mon humble avis la formulation des questions aussi bien pour la compréhension du texte que pour la rédaction de l'essai de culture générale (lors de la session principale et de contrôle) a largement contribué au bilan catastrophique dressé par les statistiques pour l'épreuve de français (Il paraît que l'on a réalisé le taux le plus bas pour toutes les sections confondues). Ce que je viens de dire n'est pas une recherche d'alibis creux et mensongers. Mais, preuve à l'appui, voyons l'épreuve de français proposée lors de la 1ère session. Ceux qui conçoivent, élaborent et proposent cette épreuve savent pertinemment qu'ils ont affaire à des candidats, dans leur majorité, démunis sur tous les plans en français (formation titubante, culture livresque inexistante). Mais au moment de présenter l'examen, de poser les questions, ils finissent par oublier toutes ces données et toutes ces limites propres aux élèves de toute la République du Nord au Sud. Ils donnent des consignes déroutantes que les élèves si bons soient-ils (ça ne court plus les rues) passent complètement à côté. A titre d'exemple, je vous transcris intégralement l'énoncé du sujet de l'essai de culture générale proposé aux sections non littéraires (Math, Sciences Expérimentales, Techniques et Economie - Gestion) « chacun est un îlot, un îlot à respecter » constate l'auteur. Mais cela exclut-il nécessairement le dialogue avec autrui ? Dans cet énoncé, il y a au moins deux obstacles majeurs qui rendent la compréhension du sujet inaccessible à une grande majorité de candidats. D'abord, il y a l'expression «îlot » dont le sens échappe à tout le monde et qui a donné lieu aux interprétations les plus insolites pour ne pas dire ridicules (ils sont à plaindre les pauvres) . Ensuite la citation de l'auteur tirée du texte proposé comporte une expression métaphorique qui complique davantage la tâche du candidat. Parlons maintenant du sujet d'expression écrite proposé aux littéraires. Pour la session principale, il a porté sur le caractère de « l'ambition ». Un thème très difficile pour les élèves (la génération actuelle) dans la mesure où en classe, ils ne sont pas censés avoir étudié ce trait de caractère précis. Le thème s'intitule « caractères ». Donc, les professeurs des classes terminales que ce soit à Tabarka, à Béja, à Gabès à Tozeur ou ailleurs ne sont pas amenés à étudier l'infinité de caractères humains qui existent sur terre. Dans un sujet pareil, la culture de l'élève intervient pour déterminer sa réussite. Or, comme nous l'avons signalé plus haut, cette culture fait pratiquement défaut. A la session de contrôle, c'était pire puisque l'énoncé comportant le mot « amour » et la consigne parlait de l'incompréhension qui caractérise le rapport jeunes - adultes. Bien sûr ce fut la grande confusion. Les candidats (les plus démunis) sont passés complètement à côté croyant que le thème proposé portait sur l'amour, or il s'agissait de tolérance et d'intolérance. C'est ce genre de détails, très importants faut-il l'avouer, qui peut faire pencher la balance d'un côté comme de l'autre. A part la partie de l'essai notée sur 10 points (la moitié de la note) celle de la compréhension du texte n'a pas manqué elle aussi de dérouter les élèves. Le plupart des questions posées ne demandait pas explicitement au candidat de justifier ses réponses. Or, les commissions de correction mentionnent que le barème tiendra rigoureusement compte de la justification (obligatoire car c'est exigé implicitement). Cette anomalie a sans doute sanctionné pas mal d'élèves et contribué à aggraver le massacre. Voilà ce qui s'est passé exactement. Que chacun fasse son mea-culpa pour mettre le doigt sur la plaie et remédier au mal car les surprises désagréables seront certainement plus amères.