Le Temps-Agences - L'anthropologue français Claude Lévi-Strauss est décédé à l'âge de 100 ans après avoir consacré sa vie à la découverte des sociétés les plus retirées et à la reconnaissance de l'ethnologie. L'auteur de "Tristes Tropiques" a succombé samedi dernier, a annoncé hier une porte-parole de Plon, sa maison d'édition. Claude Lévi-Strauss, qui a renouvelé l'étude des phénomènes sociaux et culturels, notamment celle des mythes, aurait eu 101 ans le 28 novembre. Né à Bruxelles en 1908, il a découvert l'ethnologie au Brésil après de longues études de sciences humaines à Paris. "L'ethnologie est une des nombreuses manières de comprendre l'homme. On peut essayer d'élargir la connaissance de l'homme pour y inclure les sociétés les plus lointaines", expliquait-il en 1984 à la télévision. Philosophe de formation, Lévi-Strauss souhaitait "que rien d'humain ne nous reste étranger", afin de faire comprendre à ses contemporains que "notre sagesse est une sagesse parmi des centaines ou des milliers". Comme Montaigne, "il avait le désir de comprendre les autres pour arriver à l'homme universel", a dit l'écrivain et académicien Jean-Marie Rouart sur iTélé. Considéré comme l'anthropologue le plus marquant de son temps, professeur honoraire au Collège de France, il était entré à l'Académie française en 1973 au nombre des "immortels". "Il a été extraordinairement accessible à toute l'Académie", a témoigné l'historienne Hélène Carrère d'Encausse, également membre de l'Académie, sur France Info. Son décès, "nous ne nous en remettons pas du tout. Il est resté Claude Lévi-Strauss jusqu'au bout, malgré ses 100 ans." Nicolas Sarkozy a rendu hommage dans un communiqué "à l'humaniste infatigable, à l'universitaire curieux, toujours en quête de nouveaux savoirs, à l'homme libre de tout sectarisme et de tout endoctrinement". En dépit de la complexité de son oeuvre, Claude Lévi-Strauss est parvenu à faire découvrir l'ethnologie au plus grand nombre dans "Tristes Tropiques", ouvrage scientifique aux accents littéraires paru en 1955. Cette étude des comportements sociaux des Indiens du Brésil, au fort contenu autobiographique, avait manqué d'être récompensée du Prix Goncourt car elle n'était pas un roman. L'académicien Jean d'Ormesson, qui occupait le fauteuil voisin de l'ethnologue sous la Coupole, a salué "le plus grand savant français". "C'était un homme d'une très grande culture, d'une très grande bienveillance. Il savait tout. Il avait une culture littéraire absolument extraordinaire et était devenu une sorte d'icône internationale", a-t-il dit sur iTélé. Lévi-Strauss, d'origine juive, a quitté la France pendant la seconde guerre mondiale en raison des lois raciales du régime de Vichy, s'engageant dans les forces françaises libres. Après la guerre, il a passé plusieurs années aux Etats-Unis, rencontrant ses homologues de l'école américaine, avant de revenir enseigner à Paris, au Collège de France, de 1959 à 1982. Calme et ascétique, l'homme qui a introduit le structuralisme en ethnologie n'a guère semblé perturbé par sa renommée mondiale. Ayant pris sa retraite en 1982, il a continué à voyager et à écrire, cultivant ses penchants pour la musique, la peinture et, plus généralement, ce qu'on apprend d'autrui, comme dans son ouvrage "Regarder, écouter, lire".