Le 11 avril 1956, presqu'un mois après la proclamation de l'indépendance, Bourguiba succède à Tahar Ben Ammar à la tête du gouvernement de Lamine Bey, dernier souverain de la dynastie husseinite, détrôné à l'avènement de la République par un vote presqu'unanime des membres de l'assemblée constituante le 25 juillet 1957. Entre temps, Bourguiba enfin à la tête du gouvernement de l'indépendance constitué par des militants qui l'avaient soutenu, contre Ben Youssef, lors du différend entre les deux leaders en ce qui concerne le principe de l'autonomie interne, œuvra à la construction d'un Etat tunisien libre et souverain. Toutefois, Ben Youssef qui fuya le pays en janvier 1956 pour aller demander l'asile politique en Libye, continuait son action contre Bourguiba à travers ses partisans et ses hommes de main, qu'ils fussent parmi ceux qui se sont joints à lui le 14 octobre 1955 au Caire pour annoncer l'exclusion de Bourguiba du comité de libération du Maghreb arabe, ou ceux qui après le congrès de Sfax en novembre 1955, ont déclaré leur désolidarisation de ce congrès qui excluait Ben Youssef, appelant à rejoindre le nouveau secrétariat général du parti. Cette situation provoqua de troubles dans le pays et de ce fait Bourguiba, nouveau chef du gouvernement s'attela à éradiquer ce qu'on avait appelé le "Youssefisme". Un comité de vigilance a été institué en même temps que la tunisification des services de sécurité. Des vigiles étaient chargés officieusement et surtout discrètement de combattre les Youssefistes par tous les moyens. Cela évita comme l'avait déclaré plus tard, Bourguiba lui-même, alors à la tête de la République, une guerre civile. Des Youssefistes rebelles, réfugiés dans les montagnes, étaient même combattus par la jeune armée tunisienne. En avril 1956 une lutte armée fut engagée entre Youssefistes et soldats tunisiens laissant des morts des deux côtés. Ce qui amena l'intervention du Bey auprès du Résident Général pour lui exprimer son indignation de constater que les soldats tirent impunément sur des sujets tunisiens. Cela suscita la colère de Bourguiba qui considéra l'intervention du Bey comme une allégeance à la France. En tout état de cause, le 19 avril 1956, Bourguiba obtient du Bey la signature d'un décret portant création d'une Haute cour de justice, un tribunal ad hoc, en vue de juger les Youssefistes. Ce fut ce même tribunal qui condamna Ben Youssef à la peine capitale par contumace, alors que plusieurs personnes arrêtées, écopèrent de lourdes peines allant jusqu'à la perpétuité. Ce fut une triste page de l'histoire de la Tunisie, à l'aube de l'indépendance, et alors que les bases d'un Etat souverain venaient d'être jetées.