Le Slam, en plein essor en Occident, fait ses premiers pas en Tunisie grâce à Hatem Karoui, ce slammeur tunisien de grand talent qui ne cesse de surprendre le public avec ses textes humoristiques, aux images suggestives et aux mots polysémiques qui laissent un grand impact auprès des auditeurs. D'ailleurs, le mot « slam » signifie en argot américain "la claque", "l'impact". Il s'agit donc de percuter l'auditeur avec les mots et les gestes pour l'émouvoir. En effet, le public fut bien amusé par le langage populaire fait essentiellement d'expressions familières et de mots usuels puisés dans le bagage linguistique, ô combien riche, propre à notre peuple et à notre pays ! C'est dire, qu'il s'agit bel et bien d'un slam typiquement tunisien de par les thèmes que l'artiste a choisis et qui touchaient à plusieurs domaines de la vie du tunisien : partant des noms de familles tunisiennes assimilables à des qualités, à des comportements et des métiers bien de chez nous , pour passer ensuite à l'histoire de la langue arabe (langue de « thad »), cette très belle langue qui, grâce à un simple point, pourrait changer radicalement un mot sur tous les plans (sémantique, orthographique et phonétique), pour arriver après à cette histoire de femme (La Tunisie) qui résistait aux convoitises des hommes (les pays voisins) qui la harcelaient de tout côtés pour lui chiper ses « ressources naturelles ». Puis, il en venait au conflit des civilisations, notamment entre l'Orient (détenteur du fameux chiffre « zéro ») et l'Occident qui lui fait face grâce à la lettre « X » ; un conflit qui finit par la victoire de l'imbattable « zéro » arabe ! Et cette autre histoire de cahiers d'écoliers (« krariss »), dont le texte était plein de créativité quant au recours à des expressions et des tournures issues des bas-fonds de la société et qui, d'ailleurs font rire aux éclats ! Ou encore, ce discours prononcé en arabe littéraire qui faisait l'éloge des Tunisiens connus pour être des « cracks » dans la conquête de l'espace, ce rapprochement entre la terre et le ciel, un discours qui fait allusion aux gros mots proférés par les Tunisiens qui arrivent jusqu'au ciel, tout comme les Américains qui y envoient des fusées ! Le spectacle, à part cette poésie qui abonde en jeux de mots et en métaphores, avait comme toile de fond, la musique. Le slammeur était accompagné de musiciens qui ajoutaient de la gaîté à l'ambiance générale : trois guitaristes, un batteur et un percussionniste. Mehdi Rekik, guitariste, a pris part au jeu en entrant avec le slammeur dans une discussion improvisée à chaque fin de scène comme pour annoncer la scène suivante. Il est vrai que ce genre de spectacle est encore nouveau dans nos contrées et, comme toute nouveauté, n'est pas toujours facile à assimiler, Hatem Karoui et son groupe auront encore du temps à convaincre le public de leur art sur lequel les opinions sont encore très partagées, vu que le langage acerbe parfois, pourrait chatouiller la sensibilité de quelques uns. D'ailleurs, les réactions que nous avons remarquées à la fin du spectacle prouvent que le « slam » a encore un bout de chemin devant lui pour s'imposer à l'image des autres arts. « J'ai apprécié les thèmes traités, mais pas la façon dont ils sont traités !» disait l'un. «Ce langage, on l'entend déjà dans la rue ! On nous apprend rien de nouveau !», déclarait un autre. «C'est un très beau spectacle dans l'ensemble, mais certaines scènes me rappellent le rap !», ajoutait un troisième. D'autres ont fait entendre : « Pour se divertir et se marrer, oui ; mais pas pour se cultiver ! ».