Le Temps-Agences - L'Algérie s'est réveillée en état de choc après le double attentat islamiste à la voiture piégée qui a fait mercredi 33 morts, selon un nouveau bilan, touchant un des symboles du pouvoir, le Palais du gouvernement. Les deux attentats d'Alger mercredi ont fait 33 morts, selon un nouveau bilan annoncé à la presse par le ministre algérien de l'Intérieur M. Noureddine Zerhouni. Le dernier bilan de la Protection civile algérienne, diffusé dans la nuit de mercredi à jeudi, faisait état de 24 morts et de plus de 200 blessés, mais "risquait de s'alourdir", une cinquantaine de personnes ayant reçu des blessures graves. Dans un communiqué publié le jour-même sur un site internet islamiste, Al-Qaïda au Maghreb a revendiqué ces attentats et affirmé qu'ils avaient été perpétrés par trois kamikazes, publiant leur photo en ligne. Il s'agit des attaques terroristes les plus meurtrières depuis les attentats du 9 novembre 2005 contre trois hôtels à Amman (Jordanie), qui avaient fait 60 morts et avaient été revendiqués par la branche irakienne d'Al-Qaïda. Les Algérois ont préféré rentrer plus tôt chez eux dans la soirée de mercredi pour suivre les programmes des télévisions étrangères. Les rues étaient vides et sombres, contrastant avec l'habituelle éclairage à giorno de la façade éventrée du Palais du gouvernement, un des symboles du pouvoir, autour duquel s'affairaient des ouvriers pour le remettre en état après l'attentat. Le centre d'El-Biar, sur les hauteurs de la ville, et les places des Martyrs, Port Saïd et du 1er Mai, habituellement animées à la veille du week-end (jeudi et vendredi), étaient désertes, sauf de quelques jeunes devisant en petits groupes adossés aux murs. Les agents de la sécurité, pas plus nombreux que d'habitude, avaient manifestement reçu des consignes de fermeté, faisant ralentir les véhicules pour y jeter un regard scrutateur à la recherche du moindre objet suspect. La cité du 5-Juillet de Bab Ezzouar, à l'autre bout de la ville, sur la route de l'aéroport, théâtre du deuxième attentat presque simultané, était plongée dans le noir. A peine distinguait-on quelques silhouettes furtives s'engouffrant rapidement dans les tours. "Je replonge dans l'angoisse", déclare Amria Abdelmoumen, cadre supérieur d'une entreprise publique, qui avait vécu les "années noires du terrorisme" entre 1990 et 2000 à Alger "dans la crainte quotidienne de quitter la maison et ne de plus jamais y retourner". "Ils nous avaient pourtant promis qu'ils (les islamistes) ne reviendraient plus et que nous vivions les derniers soubresauts de ces fous de Dieu", ajoute-t-elle, exaspérée. Alger n'avait pas connu d'attentat depuis près de cinq ans. Comme les autres grandes villes algériennes, elle avait été quadrillée par les services de sécurité qui l'avaient enserrée dans les mailles serrées d'un filet de barrages dressés à l'entrée et à la sortie des zones urbaines. Des alertes à la bombe ont été enregistrés ces dernières semaines et des bombes placées dans des lieux publics ont pu être désamorcées à temps, selon la police. Ces alertes avaient fait monter insidieusement la psychose de l'attentat, alors que les autorités se faisaient rassurantes, expliquant qu'il s'agissait surtout de "coups médiatiques" de la part des islamistes. "Les policiers sont toujours là, occupant les rues, mais c'est la vigilance qui a fait défaut", regrette Saïd Aït Hammouda, un commerçant du centre-ville, qui pense que les "islamistes ont réussi à nous endormir tous, avant de passer à l'action par surprise".