Un groupement de pêcheurs a patiemment collecté des fonds et mis au point cette technique pour sauver l'écosystème…Du coup, quelques espèces (comme les belamides) commencent à se multiplier La réussite de l'action de préservation de l'écosystème et de la biodiversité marine, dans laquelle s'est investie volontairement la communauté des pêcheurs à Kerkennah et à Djerba vient de faire l'objet d'un court métrage de Hafedh Hentati, financé par le PNUD. L'objectif du PNUD, Programme des Nations Unies pour le Développement, est de valoriser deux expériences pilotes, fruits de la synergie entre l'action administrative et l'action volontaire et spontanée de la communauté des pêcheurs, la première à Djerba et la seconde aux Iles Kerkennah. D'où l'idée de financer un film documentaire, support idéal pour témoigner de la réussite de cette démarche participative qui va servir d'exemple à travers le monde. Comme l'indique son titre : « Renaissance du bleu », le court métrage de 18 mn, en trois langues, retrace les différentes étapes de la mobilisation des pêcheurs, une mobilisation née de leur prise de conscience qui s'est concrétisée par des actes. Il s'agit d'une réaction vitale vu les effets dévastateurs sur l'équilibre biologique de l'intrusion de nouvelles techniques et de nouveaux modes de pêche depuis les années 1970, lesquelles ont contribué à la surexploitation des richesses halieutiques et par voie de conséquence, à la dégradation alarmante de la faune et de la flore. L'arme du « crime » est bien entendu, le « Kiss » (filets traînants) d'autant plus ravageur qu'il brasse sur une largeur de cinquante mètres et que les pêcheurs contrevenants choisissent des mailles réduites qui ne laissent aucune chance aux poissons quelle que soit leur taille. Or, depuis la nuit des temps, les Kerkenniens se sont ingéniés à mettre au point des techniques adaptées aux caractéristiques physiques et biologiques du milieu marin de l'archipel, dont notamment la Cherfia, la demmassa (pêche à la sautade), la drina (pêche aux nasses) les filets droits, la Massaa (pierres creuses à poulpes),El Karour (gargoulettes) et le Zroub. Ces techniques traditionnelles dénotaient un souci remarquable de préservation des richesses marines. Ces richesses étant de nos jours menacées d'anéantissement, l'élan résolu de la communauté des pêcheurs est d'autant plus élogieux qu'ils disposent de moyens symboliques. A titre d'exemple, selon le témoignage d'un pêcheur, pour obtenir un don de 50 mille dinars auprès du PNUD, les pêcheurs de Djerba ont constitué leurs fonds propres, soit 12 mille dinars, en donnant chacun un poisson, quotidiennement, durant une période de 12 mois. A Kerkennah, la collaboration avec le Lyons Club SfaxThyna a donné lieu à la constitution d'une structure appelée « Groupement du Développement Agricole et de la Pêche », dont le président, Néji Ezzeddine, apporte son témoignage dans le documentaire : « Dans une première étape, nous avons largué mille récifs artificiels pour dissuader les utilisateurs de filets traînants. D'ailleurs, les femmes et les enfants des pêcheurs se sont associés à cette opération. Par la suite, nous avons collecté 35 mille dinars, comme fonds propres et nous avons eu droit à un don de 35 mille dollars. Ces fonds nous ont permis jusqu'à présent de rajouter 800 autres récifs artificiels sur les 1300 prévus au programme » Point de vue résultats, la tendance, aux dires de Néji Ezzeddine, est en train de s'inverser : « Non seulement, nous avons relevé l'apparition inexplicable de quelques belamides (balamites), mais de plus nous sommes ravis de constater que certaines espèces commencent à se multiplier, comme le sar (sbarès), la rascasse (guechèche), le marbré (menkous), le denté (kattous). Le repos biologique observé et prolongé depuis peu à trois mois au lieu de trente jours et surtout la fermeté dans l'application des règlements en vigueur en la matière, ont elles aussi contribué à l'amélioration des stocks, particulièrement en ce qui concerne les mollusques. C'est ainsi qu'on remarque plus de quantités de poulpes et surtout de calamar (mattik), qui se trouve maintenant en abondance.» La réussite de l'action participative des pêcheurs jerbiens et kerkenniens, a rejailli sur le film documentaire « Renaissance du bleu », dont deux exemplaires condensés, soit respectivement de 03 mn et de 05 mn de durée, vont être, nous dit-on, projetés par l'Unité TV des Nations Unies, à Shangaï, à l'occasion de l'Exposition Universelle, au mois de mai prochain, sachant qu'une équipe de la dite unité a déjà monté un documentaire, au mois de décembre 2009 consacré au thème : « Kerkennah et les effets des changements climatiques sur les méthodes de pêche traditionnelles. »