En adulte de cette époque de turbulences, Jacques Delors, ancien président de la Commission Européenne, a eu cette réflexion ironique, mais amère, sur la crise grecque : " Les pompiers sont à l'œuvre. Il faut dire qu'ils y ont mis du temps ". En fait, comme l'écrit si bien Le Figaro (jeudi 6 mai) : " Les morts d'Athènes viennent brutalement rappeler aux capitales et aux institutions européennes qu'ils traitent avec des êtres en chair et en os, pas seulement avec des courbes, des déficits et des taux de change ". On a finalement mis du temps pour voler au secours de la Grèce, pays auquel on reproche maintenant " le manque de transparence, depuis 2001, vis-à-vis de l'Union Européenne, quant aux chiffres réels de ses déficits ". Sauf que, alors qu'Athènes était à feu et à sang ces derniers jours, la France et l'Allemagne imposaient des mesures draconiennes, socialement invivables, à un Papandreou, Premier ministre grec, carrément tourné en dérision. Si l'essence de l'Union Européenne ne tient qu'à des levées de fonds et d'aides fortement conditionnées, cela veut dire que le pays en disgrâce abdiquera et renoncera à sa souveraineté sociale et économique sous l'effet d'une épée de Damoclès suspendue sur sa tête et un couteau sous la gorge. La Grèce est dans cette situation. Et les emprunts grecs auprès de l'Espagne et du Portugal risquent de déclencher l'effet d'entraînement, déjà fortement ressenti, depuis déjà deux jours par l'euro, tandis que le dollar retrouvait ses couleurs vertes. D'aucuns se sont posé la question : est-ce la fin de l'euro ? La réponse, du moins, selon les plus grands spécialistes de la question, est pour le moins paradoxale : c'est précisément l'euro qui fait qu'il n'y a pas risque de faillite ! En revanche, le risque de contagion existe et, précisément, par manque de cohésion structurelle. Et c'est dans cet esprit que la zone euro révèle toutes ses carences : c'est un marché, certes. Mais un marché un peu trop dépendant des accointances ou des antagonismes politiques. Madame Merkel dicte ses lois : c'est la nouvelle dame de fer de l'Europe. Sarkozy impose ses tactiques, à défaut de stratégie. Sauf que la zone euro reste un mystère pour l'une comme pour l'autre. Gare à s'y aventurer sans garanties ou à y placer allègrement ses fonds souverains. Et c'est là que se confirme la justesse de la vision tunisienne : depuis la crise financière, ce n'est pas le dollar que nous tenions à l'œil. Mais, l'euro... Voyez ce qu'il a fait avec la Grèce : il exhume une légende. Celle du cheval de Troie.