Le système LMD dans sa version actuelle constitue un handicap sérieux à la recherche et à l'encadrement pour les enseignants universitaires qui ne sont pas appelés uniquement à donner des cours. Le système LMD (Licence, Master, Doctorat) sera soumis dans quelques jours à une évaluation qui pourrait déboucher sur l'introduction de quelques retouches nécessaires au niveau des programmes des premières années applicables à la prochaine rentrée. Les premières promotions issues du système LMD instauré récemment à l'université tunisienne, viennent de faire leur entrée sur le marché de l'emploi ou dans le domaine de la recherche en intégrant le Master. La vision est plus claire pour les enseignants et les responsables qui viennent de décider d'un commun accord d'une évaluation du système en vue de l'améliorer afin qu'il puisse répondre correctement aux objectifs pour lesquels il a été instauré. Rappelons que ce système repose sur trois temps, trois années d'études universitaires de base couronnées par une licence qui peut permettre aux étudiants qui ont choisi la formule de la licence appliquée d'intégrer immédiatement le marché de l'emploi, la poursuite des études au niveau du master, et ensuite au niveau du doctorat pour ceux qui ont opté pour la licence fondamentale et qui constitueront le gros du corps des chercheurs universitaires à l'issue de leurs études. Il est clair donc que la philosophie du système LMD repose sur le principe d'une formation adéquate et solide permettant aux étudiants qui désirent travailler immédiatement après la licence d'avoir les qualité requises par le marché de l'emploi, et d'offrir à ceux qui ont une longue haleine les qualités requises pour en faire de bons chercheurs. Cependant l'expérience a débouché sur des résultats contestés. Selon une enseignante universitaire : « La quantité y est mais pas la qualité. Ce système permet un passage facile d'une classe à une autre mais au prix de brèches difficiles à colmater au niveau de la formation » Elle donne pour preuve le fait que les diplômés du système LMD n'ont pas eu plus de chance sur le marché de l'emploi que ceux de l'ancien système » Le problème n'est pas intrinsèque au système LMD mais à celui du contrôle et à la manière avec laquelle les programmes ont été formulés, sans doute en raison de la précipitation qui a caractérisé la mise en application de ce nouveau système. La plupart des enseignants mettent l'accent sur deux défauts majeurs : la répartition déséquilibrée des matières entre licence fondamentale et licence appliquée, l'émiettement des matières et le rythme effréné du contrôle. La tête et les jambes La répartition actuelle des matières entre licence fondamentale et licence appliquée donne des techniciens sans tête et des théoriciens sans jambes. Prenons l'exemple de la formation en sciences de l'information. Il semble évident qu'un étudiant en licence fondamentale, destiné à être un chercheur aura une formation tronquée et des carences méthodologiques s'il ne reçoit pas une formation en mise en page ou en techniques de rédaction journalistique. Il ne pourra pas effectuer une recherche correcte sur l'agenda des médias par exemple. La mise en page est un langage non verbal aussi important que les mots, et le choix d'un genre d'écrit pour couvrir un événement n'est pas arbitraire, il est fait en fonction du message que les médias désirent propager. Pour les étudiants en licence appliquée destinés à pratiquer le journalisme, la seule formation technique est insuffisante. Un journaliste doit savoir pourquoi on utilise telle technique ou telle autre et cela n'est possible que grâce à une formation théorique solide. Il s'agit donc de revoir les programmes pour les rééquilibrer dans ce sens. Le clonage des cours La seconde lacune a trait à l'émiettement des matières qui est en fait une conséquence de la répartition déséquilibrée dont on vient de parler. Des découpages pas toujours heureux ont été effectués dans certaines matières ce qui a eu pour effet de surcharger superficiellement les horaires des cours et d'affecter l'homogénéité des matières en cassant le fil conducteur par des découpages arbitraires. Chercheur ou surveillant ? Le système LMD dans sa version actuelle constitue un handicap sérieux à la recherche et à l'encadrement pour les enseignants universitaires qui ne sont pas appelés uniquement à donner des cours. Le rythme effréné des devoirs de contrôle a considérablement alourdi l'agenda des enseignants en raison du temps dédié à la correction et à la formulation des sujets de contrôle. « Trouver un sujet de devoir ou d'examen est devenu un véritable casse-tête, se plaint un enseignant. Quand on sait que les cours sont pour la plupart semestriels donc pas particulièrement étoffés et que nous sommes appelés à donner parfois jusqu'à huit sujets pour une seule matière sur les deux semestres pour deux groupes différents, on comprend pourquoi certains sujets sont mal formulés ou trop faciles et pourquoi la quantité prime sur la qualité en fin de parcours. » Mais la facilité des sujets de contrôle n'a pas empêché les étudiants de se plaindre de cette course effrénée. « Nous ne savons plus où donner de la tête, affirment-ils souvent, nous sommes obligés de faire des choix douloureux. Assister aux cours et ne pas avoir le temps nécessaire pour la révision ce qui nous oblige parfois à ne pas nous présenter aux devoirs, ou sécher les cours pour pouvoir réviser. » Ce dilemme explique un phénomène étrange et nouveau à l'université tunisienne : l'absence des étudiants les jours de contrôle. Les commissions sectorielles doivent donc se pencher entre autres sur ces problèmes évoqués. L'été ne sera pas de tout repos pour les membres de ces commissions appelés à livrer leur rapport vers la mi juillet afin de permettre la réorganisation des programmes avant la rentrée.