Le Temps-Agences - Au lendemain de la manifestation géante d'Istanbul, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devait s'exprimer hier à la population pour tenter de désamorcer la crise politique qui secoue le pays et éviter la tenue d'élections législatives anticipées. Engagé dans un bras de fer avec l'armée et les tenants de la laïcité, le chef du gouvernement devrait réaffirmer son engagement envers la séparation de l'Islam et de l'Etat. Signe des graves turbulences actuelles, les marchés financiers turcs ont plongé de 8% lors des premières cotations hier et la monnaie nationale, la lire, a perdu du terrain face aux devises étrangères. La réaction des marchés était attendue et les analystes tablent sur une reprise rapide si une issue est tôt trouvée à la situation, six ans après la grave crise financière qu'avait connue la Turquie en 2001. M. Erdogan devait s'exprimer au lendemain de la manifestation géante (un million de personnes selon les médias, 700.000 selon les autorités) organisée à Istanbul pour dénoncer toute remise en cause de la laïcité de la Turquie et soutenir l'armée, garante de cette laïcité et engagée dans un bras de fer avec le gouvernement, qu'elle accuse de favoriser l'émergence d'un Etat islamique. De nombreux manifestants réclamaient la démission du gouvernement Erdogan, issu du Parti de la justice et du développement (AKP), une formation islamique modérée, et la tenue d'élections anticipées. Le très puissant syndicat patronal TUSAID a également exhorté le gouvernement à convoquer des élections anticipées. La mobilisation du camp laïque coïncide avec l'élection par le Parlement turc du nouveau président du pays. Les tenants de la laïcité accusent le candidat de l'APK, l'actuel ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, de vouloir utiliser la fonction présidentielle pour favoriser les positions islamistes de son parti, au mépris de la Constitution turque, qui garantit la séparation entre l'islam, religion ultra-majoritaire au sein de la population, et l'Etat. C'est à l'issue du premier tour que l'armée, une des institutions les plus respectées du pays, est entrée en scène pour rappeler son rôle historique de garante du régime laïque de la Turquie et adresser une mise en garde à peine voilée au gouvernement pro-islamique. Une sortie qui lui a valu les réprobations hier du secrétaire général du Conseil de l'Europe, plus haute instance de défense des droits de l'Homme de l'UE, alors même qu'Ankara est engagée dans un difficile processus de négociations avec Bruxelles en vue d'intégrer l'Union européenne.