Après la projection en avant-première de « Fin décembre » de Moez Kamoun, un critique de cinéma archi connu a, le premier à la télé, pris un plaisir sadique à dénigrer, voire à massacrer le film. C'était si catégorique, si systématique comme lynchage que Riadh el Fehri à qui l'on doit la musique de Fin décembre, également invité à l'émission, ne sut jamais comment défendre le long métrage et faillit baisser pavillon devant les attaques acharnées du critique, menées qui finalement nous donnèrent envie à nous comme à beaucoup de Tunisiens, d'aller voir par nous-mêmes, cette œuvre « catastrophique » du cinéma tunisien contemporain. Surprise : le film n'est pas aussi raté qu'on le prétend et sa participation à la compétition officielle des longs-métrages aux dernières Journées Cinématographiques de Carthage n'est nullement usurpée. Des qualités et des défauts Fin décembre n'est pas exempt de défauts certes, mais sur le plan technique, il se défend bien avec des prises de vue parfois géniales et des images d'une grande fluidité. Etrangement, la musique est frustrante parce que quasi absente dans les meilleurs moments du film. Les silences sont plutôt lourds et dénués, quand il en faut, de poésie et de profondeur. L'histoire se tient malgré tout et Moez Kamoun soulève parfois avec beaucoup de finesse et de subtilité les problèmes d'une société en mutation qui se débat encore avec ses contradictions internes tout en aspirant à un meilleur sort. Les personnages sont par contre un peu trop schématiques ; il en est même qui sont conçus maladroitement : Brahim le chauffeur de louage prétendument poète n'est pas si rimailleur que ça ; on lui attribue des vices de voyeur peu indifférent aux corps féminins dénudés ; or, il reste de marbre devant les atours et les contours fort aguichants de son épouse laquelle cherche ailleurs tous les soirs l'homme capable de calmer ses ardeurs de nymphomane. Emna sa fille est un destin qu'on finit par ignorer alors qu'à elle seule, elle méritait un film. L'omda aurait pu paraître plus vénal, peu scrupuleux et plus habile manœuvrier. Pour un chef de village investi d'une mission hautement réformatrice, il disparaît trop tôt de la scène. Peut mieux faire Mais il nous a semblé que les héros humains comptent peu devant les personnages non animés récurrents dans ce film, en dépit de tout, poétique : la mer bleue est omniprésente, le vent plaintif, les hauteurs rocailleuses, l'horizon immense, la barque du médecin qui attend d'être retapée ou échangée contre une embarcation plus adaptée à son temps ; tous ces éléments métaphoriques sont à aligner parmi les points forts du film. On doit également soumettre à la réflexion cette absence constante du père (du Père) dans « Fin décembre » ; à creuser aussi le mal-être réel dont souffre toute la communauté et pour la guérison duquel Moez Kammoun envoie Adam, ce médecin des âmes, ce sauveur des femmes et ce « dénoueur » des drames. En définitive, les intentions qui ont présidé à la réalisation du film sont excellentes, mais la qualité du produit fini, sans être totalement décevante, aurait pu être meilleure !