La Tunisie célèbre ces jours-ci, le centenaire de l'artiste Aly Ben Salem (né le 25 décembre 1910 et décédé le 20 février 2001, à l'âge de 91 ans). Cet intérêt porté aux grandes figures de la création en Tunisie constitue un hommage au talent et à l'esprit créatif de cet homme qui était durant sa vie, au service de la culture et de la sauvegarde de la mémoire collective. En effet, Aly Ben Salem fait partie de ces artistes emblématiques auxquels la Tunisie rend aujourd'hui hommage pour rester fidèle à son devoir de mémoire. Un hommage qui se traduit par une grande exposition de ses œuvres qui se tient au Palais Kheireddine et qu'organise le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine. Le vernissage a eu lieu jeudi dernier en présence de l'épouse de l'artiste, Kerstin (Hédia) Ben Salem venue spécialement de Stockholm et de nombreuses autres personnalités du monde de la culture et des arts. Un artiste prolifique Sur les cimaises des onze salles du Palais Kheireddine, ont été accrochées cent quarante œuvres provenant en majorité, de la collection du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, de l'Office National de l'Artisanat, de la municipalité de Tunis, des collectionneurs privés et des galeristes. Selon la commissaire de l'exposition, Narrimane El kateb Ben Romdhane, (historienne de l'art et auteur de nombreux essais dont « La naissance de la peinture de chevalet en Tunisie», cette grande et importante manifestation picturale se distingue par la profusion de l'œuvre de l'artiste ainsi que par les différentes étapes qui ont jalonné son parcours. D'origine sfaxienne, Aly Ben Salem est né à Kalaâ Kébira dans un milieu aisé et intellectuel. Il étudia au lycée Carnot puis fut le premier tunisien à s'inscrire en 1930 à l'école des Beaux Arts et eut comme professeur Armand Vergeaud. Il s'ouvrit très tôt à l'art pictural occidental, et fut resté très attaché au patrimoine de son pays et à toutes les composantes de ce patrimoine qu'elles soient architecturales ou décoratives et vestimentaires. En 1934, il travailla dans le musée des Arts « indigènes » (actuellement Dar El Mestiri), dirigé par Jacques Reveault à l'époque et c'est à partir de là qu'il accoucha de nombreuses œuvres en relation avec les professions artisanales («le potier», «Le sellier», «Le marchand de babouches », « L'artisan des chapelets »…), ou avec les traditions (« Ommok Tangou », « Aïssaouia »…). « L'année 1937 fut une date phare, a précisé Narrimane El Kateb. Il reçut, explique- t- elle, le prix de la miniature et de la peinture du Gouvernement tunisien qui consiste en une bourse d'études en France. Il y organisa une exposition personnelle sous la houlette du ministère français de l'Education Nationale et décora à la même période, le Pavillon tunisien à l'exposition internationale de Paris. De même, il collabora au Musée du Louvres, au département de l'Afrique blanche (Afrique du Nord)… ». En effet, c'est à Paris qu'il fit la connaissance de plusieurs intellectuels suédois avec qui il organisa une exposition et un premier voyage en Suède. Avec la guerre en 1939, il fut obligé de rentrer au bercail et créa l'école des Beaux Arts de Sfax. Cette période qui se prolongea jusqu'à 1949, marqua une nouvelle étape dans sa vie picturale, au cours de laquelle l'artiste évolue vers une approche plus esthétique. Elle correspond à un moment de découverte créatrice après ce séjour à Paris où il apprend à mieux connaître les œuvres des grands maîtres de l'impressionnisme, de l'expressionnisme et du fauvisme. Ente 1950 et 1970, c'est la période suédoise à laquelle succèdera celle vécue entre Hammamet et Stockholm et qui révèlera le véritable cachet de Ben Salem. « C'est cette période que nous connaissons le plus, par rapport aux précédentes et qui sont, à mon avis, encore beaucoup plus belles», a déclaré Narrimane El Kateb. Attachement au patrimoine De l'avis de tous, Aly Ben Salem, fait figure de pionnier et occupe une place de choix parmi l'élite fondatrice de la renaissance culturelle de la Tunisie moderne, par la simplicité et l'étendue de ses recherches dans le champ pictural et par la générosité de sa démarche. Il s'ouvrit très tôt à l'art pictural occidental, tout en restant très attaché au patrimoine de son pays et à toutes ses composantes qu'elles soient architecturales ou décoratives et vestimentaires A cette occasion, un le joli catalogue de soixante douze pages, richement illustrées, « Aly Ben Salem, le centenaire », a été édité pour accompagner l'exposition, et dans lequel on lit, de la plume de Narrimane El Kateb, : « Pour Aly Ben Salem, colorée, est la vie… simple, est l'existence dans un monde artistique créatif et témoin des origines et de la culture de l'homme ». Une manifestation à la hauteur d'un grand artiste peintre, témoin de son temps.