Après avoir été trois mois absent de son pays (pour une opération du dos aux Etats-Unis, suivie d'une convalescence au Maroc), le roi Abdallah d'Arabie saoudite a longuement reçu chez lui son ami Hamad ben Issa al-Khalifa, souverain de la petite île voisine de Bahreïn. Le message qu'a voulu transmettre le maître de l'Etat arabe le plus puissant du golfe était clair: la monarchie des Séoud est solidaire de celle des Khalifa dans la difficulté (car confrontée à un soulèvement chiite); jamais l'Arabie saoudite n'abandonnera Bahreïn, son petit protégé au sein du CCEAG (Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe, organisation politique qui comprend aussi quatre autres monarchies : le Koweït, les Emirats arabes unis, le Qatar et Oman). Cette attitude saoudienne n'est pas nouvelle. Le royaume couve Bahreïn depuis 1971, date de son indépendance de la couronne britannique. Le budget de l'île est à 25 % abondé par des dons de pétrole saoudien. Dans les années 1980, un pont-digue de 25 km de long a été construit aux frais des Saoudiens, pour relier Bahreïn à la péninsule arabique. L'île, où la vente d'alcool n'est pas interdite dans les hôtels, où le jeu est autorisé, où une femme a le droit de conduire et de se promener cheveux au vent, sert d'exutoire pour les classes moyennes saoudiennes, soumises chez elle aux rigueurs du puritanisme wahhabite et de sa police religieuse. 10 % du produit national de Bahreïn proviennent du tourisme, lequel est principalement saoudien. Modernisateur lui-même, le roi Abdallah encouragera son ami le roi du Bahreïn à déléguer encore plus de pouvoir à son fils, le prince héritier Salman, homme ouvert et tolérant, éduqué en Angleterre. Mais, en bédouin attaché aux fidélités familiales, le Saoudien pèsera soigneusement la difficulté qu'il y aurait pour son homologue bahreïnien à congédier son oncle sous la pression de la foule. En se rendant à Riyad, le roi de Bahreïn a, lui aussi, cherché à faire passer un message. C'est un appel au réalisme, adressé à l'opposition chiite du parti Wefak (18 députés sur 40 à la Chambre basse du Parlement), qui refuse de siéger tant que le Premier ministre n'aura pas été renvoyé.