Une fois de plus, la Maison d'édition Alif crée l'événement en publiant son tout nouveau-né, le livre de témoignage intitulé « Dégage ! La Révolution Tunisienne du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011 ». En fait, ce beau livre magnifiquement illustré remonte à très loin dans la tradition révolutionnaire tunisienne et immortalise aussi des faits et des scènes postérieures au 14 janvier 2011. Ses éditeurs ne cachent pas le plaisir qu'ils éprouvent en retrouvant leurs sensations d'éditeurs « enfin libres ». Après 23 ans de censure, la maison Alif et ses partenaires nous offrent un livre de l'expression désaliénée ; 240 pages dédiées à la dignité, à cet idéal pour lequel se sont sacrifiés avant, pendant et après le 14 janvier, des millions de Tunisiens et de Tunisiennes de toutes les générations, de toutes les catégories sociales, de toutes les régions et de toutes les sensibilités intellectuelles et politiques. Révolutions du passé et du présent Dans sa première partie, l'ouvrage présente dans le détail, les 24 gouvernorats tunisiens, pour se focaliser ensuite sur quatre d'entre eux que les éditeurs rangent dans ce qu'ils appellent « la Tunisie oubliée ». Il s'agit du Kef, de Kasserine, de Gafsa et de Sidi Bouzid. Ensuite, on rappelle quelques dates phares dans l'histoire des Révolutions en Tunisie : sont alors successivement ressuscités les héros du peuple numide, la révolte d'Ali Ben Ghédhahom en 1864, l'insurrection des Frechiche en 1906 et les braves combattants de la lutte nationale contre le colon français. Plus loin, le livre remet à l'honneur le riche patrimoine des cités oubliées du nord, de l'ouest et du sud tunisiens. La deuxième partie passe en revue les faits marquants à l'échelle nationale (et internationale, mais en rapport avec les événements violents enregistrés en Tunisie) et ce, depuis le désormais historique suicide de Mohamed Bouazizi (17 décembre 2010) jusqu'au jour où Ben Ali prit la fuite. Cette fameuse journée du 14 janvier fait d'ailleurs l'objet d'un décryptage multiple auquel contribuent des témoins de tous bords (artistes, universitaires, élèves, étudiants, militants des droits de l'homme, journalistes, médecins, blogueurs, membres de partis politiques etc.) Les pages qui suivent ce chapitre rendent hommage à l'armée tunisienne, à la jeunesse de notre beau pays, aux martyrs de la Révolution et à tous ceux qui contribuèrent au succès du soulèvement contre la dictature de Ben Ali et à la finalisation des objectifs initiaux pour lesquels la Révolution fut déclenchée. De l'humour en sus ! Mais l'ouvrage ne s'empêche pas d'être autrement instructif et plaisant : il immortalise ainsi de nombreuses caricatures inspirées par le 14 janvier 2011, une collection de slogans révolutionnaires originaux scandés avant et après cette mémorable journée, des blagues sur le président déchu, sur son épouse et la famille des Trabelsi, des montages-photos sur Ben Ali et d'autres dictateurs arabes. On y raille aussi les prises de position de certaines personnalités politiques françaises. Quant au procès des médias, dressé au milieu du livre, il ne manque pas de pointes ironiques. Mais ce retour sur les ignobles manœuvres de désinformation menées sous l'Ancien Régime n'accablent pas trop les journalistes dont on a fait, de force la plupart du temps, des complices d'une gigantesque opération de mystification conduite par des apprentis sorciers. Les maîtres de la manipulation sont également dénoncés dans ce livre-monument. Il ne fallait surtout pas, pour les éditeurs de « Dégage », rater cette occasion en or de réhabiliter leur métier, un des plus beaux que l'on puisse exercer ! Ils ont publié ce bijou qui raconte de mille et une façons la révolution de la dignité ; qui libère la parole de ceux qui n'y avaient pas droit ; qui scelle l'union de tous les Tunisiens et fait sortir de l'oubli les régions et les hommes oubliés de cette chère patrie à laquelle en définitive l'ouvrage, au même titre que la révolution, est dédié. Gloire à la Tunisie donc, et à tous les combats que ses hommes ont menés pour qu'elle reste digne, indépendante, altière et immortelle ! Bravo aux auteurs de ce livre de référence désormais incontournable pour comprendre la Révolution tunisienne, pour la supporter et pour la continuer avec succès ! Badreddine BEN HENDA * « Dégage », Editions du Patrimoine, Tunis 2011 et Editions du Layeur, Paris 2011 ; 240 pages ; prix public : 35 dinars