Décidément, la Révolution du 14 janvier a réconcilié la majorité des Tunisiens avec la lecture. La consultation nationale sur le livre et la lecture de 2009 a débouché sur un constat affligeant sur le taux des lecteurs en Tunisie. Un tel constat semble dépassé par les événements quand on voit depuis quelques mois cette ruée exceptionnelle des Tunisiens sur les journaux, livres et magazines. C'est que cet afflux de lecteurs qui font la queue devant les bibliothèques pour acquérir un livre récent parlant de la Révolution ou un roman censuré d'écrivains « maudits » ou encore un recueil de poésie engagée de poètes longtemps persécutés par l'ancien régime. Dorénavant, la lecture qui était source d'ennui pour la jeunesse devient aujourd'hui un moyen apprécié par un grand nombre de jeunes lecteurs tunisiens avides d'apprendre davantage sur les événements et d'être plus proches de la réalité, se sentant plus concernés qu'auparavant de l'avenir du pays. Les gens se sentent plus libres de lire ce qu'ils veulent. Depuis que la Une des journaux ne porte plus la photo du président déchu et de sa femme et qu'il n'y a plus d'articles laudatifs et mensongers autour de l'ancien régime, les gens se réconcilient avec les journaux tunisiens qui se sont libérés des ciseaux de la censure et commencent à changer leurs discours. Plusieurs journaux ont réalisé depuis la Révolution des ventes importantes. De même, les maisons d'édition tunisiennes viennent de sortir d'une longue léthargie et semblent avoir pignon sur rue dans cette période post-révolutionnaire si bien que pas mal de nouveaux titres en langue arabe ou en français ont vu récemment le jour et sont exposés dans les devantures de nos librairies. Les écrivains qui étaient condamnés au silence ou ceux dont les œuvres furent censurées par l'ancien régime, se sont inspirés de la Révolution et retrouvent goût aujourd'hui à publier de nouveaux ouvrages ou de rééditer ceux qui leur sont défendus. Les poètes tunisiens, enchaînés depuis plusieurs années, se sont soulagés et retrouvent aujourd'hui la liberté d'expression en déclamant haut et fort leur poésie engagée lors des manifestations culturelles organisées un peu partout et en faisant publier de nouveaux recueils qui chantent la liberté, l'amour, la dignité et la fraternité. Ce nouveau paysage littéraire, intellectuel et culturel semble donner aux gens l'envie de lire. Jamais les Tunisiens ne se sont autant intéressés aux affaires de leur pays, ils se ruent sur les journaux quotidiens pour s'informer des dernières nouvelles. Et dire que les pages nationales, économiques et politiques sont les plus lues ces derniers mois par les Tunisiens. ces mêmes pages qui, avant la Révolution, consacraient 80 % des informations autour des pseudo-activités du président déchu et des projets fictifs de sa femme et des membres de sa famille. Le Tunisien devient de plus en plus avide d'informations complètes, sincères et crédibles autant qu'il veut rompre avec des médias qui cachaient la vérité ! Cet état d'esprit a été marqué également chez les jeunes qui, il faut le dire, n'avaient pas de contact sérieux avec les journaux et les livres. Avant, la majorité écrasante des jeunes consultaient un journal pour voir les pages de sport ou d'horoscope. Aujourd'hui, ils lisent volontiers les articles qui traitent des affaires publiques pour s'enquérir de la situation dans le pays et être au diapason des événements. Les journaux électroniques qui se sont déployées rapidement sur la toile après le 14 janvier attirent également de plus en plus l'attention les jeunes tunisiens et sont consultés régulièrement pour s'informer des derniers événements. A part les discussions tenues entre les jeunes à travers face book, ils interviennent de plus en plus dans les forums ouverts par les sites électroniques des différents journaux pour y apporter leurs opinions sur certains sujets d'actualité. Les publications des partis politiques qui se publient régulièrement depuis le 14 janvier suscitent de plus en plus la curiosité des lecteurs tunisiens afin de s'informer sur les programmes et les projets de ces partis, se sentant impliqués et partie prenante dans la vie politique du pays et soucieux plus que jamais de participer librement aux prochaines élections. Le retour des lecteurs aux journaux et aux livres constitue l'un des acquis les plus précieux de notre Révolution qui a incité écrivains et poètes à donner libre cours à leurs pensées, libérés complètement de la hantise de la censure.