• 44% des lecteurs tunisiens ne dépensent pas plus de 30 dinars par an pour acquérir des livres «22,75% des Tunisiens n'ont jamais lu de livre durant toute leur vie. Je ne parle pas de livres scolaires ou parascolaires, mais de livres culturels», a relevé Ridha Najjar, coordinateur de la commission nationale pour le livre et la lecture, lors de la clôture de la consultation nationale qui a eu lieu, hier, à la Foire du livre. Après une année de recherches, d'enquêtes et de sondages, un rapport final a vu enfin le jour, révélant ainsi une «réalité» du secteur du livre en Tunisie. «Nous avons essayé de faire participer dans cette étude, unique en son genre, tous les acteurs de la chaîne du livre et de la lecture, depuis le créateur, jusqu'au lecteur. Nous avons voulu ainsi cerner tous les problèmes qui émaillent le secteur», a ajouté Ridha Najjar. Pour aboutir à des résultats les plus rigoureux et les plus exhaustifs possibles, la commission a adopté une méthodologie pluridisciplinaire à plusieurs niveaux. Elle a fixé trois axes principaux: d'abord l'aspect culturel, ensuite le côté commercial et enfin l'enjeu technologique considéré comme le défi de l'avenir. La commission a donc fait appel à plus d'une méthode de recensement d'information dont les témoignages écrits d'auteurs, d'éditeurs, d'imprimeurs, de libraires et d'administrateurs (de la direction du livre et de la lecture, de la Bibliothèque nationale, de l'organisme des droits d'auteur, des bibliothèques scolaires...). Elle a lancé un site web spécialement conçu pour la consultation (www.consultation-livre-lecture.tn) à travers lequel tout citoyen pouvait à la fois s'informer et surtout communiquer son avis. «Malheureusement, nous avons recensé un nombre important de visiteurs mais rares sont ceux qui ont osé publier leurs opinions», fait remarquer le coordinateur. Des commissions régionales ont été mises en place, animées par des intellectuels de chaque région. Ces derniers ont présenté leurs rapports lors du séminaire national qui a eu lieu le 28 janvier 2010 à Sfax, présidé par Abderraouf El Basti, ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine. De même, une enquête nationale a été lancée auprès d'un échantillon de plus de 1.000 Tunisiens sur les pratiques du livre et de la lecture. Il y a de l'espoir «Les résultats sont alarmants d'un côté et rassurants d'un autre. Nous savons aujourd'hui que les jeunes âgés entre 25 et 34 ans sont ceux qui lisent le plus en Tunisie. 44% des lecteurs tunisiens ne dépensent pas plus de 30 dinars par an pour acquérir des livres, sachant que 50% des lecteurs achètent des livres à l'occasion de la Foire internationale du livre de Tunis», précise le coordinateur. Selon les résultats de l'enquête, seulement un Tunisien sur quatre fréquente les bibliothèques; 48,71% de ces visiteurs sont comptés parmi les élèves et les étudiants. «On peut donc avancer que les bibliothèques publiques ne sont pas considérées comme des espaces de lecture mais plutôt de révision», précise M. Najjar. Malgré le faible taux de lecture et le manque de bibliothèques personnelles, comme l'indique cette enquête, 65% des Tunisiens confirment pourtant l'importance de la lecture. Ce taux donne de l'espoir à la création des lecteurs d'avenir qui est un des objectifs principaux de la consultation. Le rapport est achevé par une série de recommandations précises qui visent à combler les lacunes et à développer le secteur. La commission propose une révision des textes de loi relatifs au livre, afin de «protéger le créateur et le lecteur d'un certain “piratage” des maisons d'édition non stables. D'après notre enquête, il existe 171 maisons d'édition. Mais en réalité, seulement une trentaine d'éditeurs sont réellement actifs et d'une manière permanente», relève encore M. Najjar. Le libraire, «pharmacien» du livre Les recommandations touchent tout le secteur avec tout ce qu'il comporte comme enjeux culturels, économiques et numériques. L'exploitation, la traduction et la promotion du livre tunisien, ici et ailleurs, les droits d'auteur et la protection de la propriété intellectuelle, le dépôt légal ainsi que la formation aux métiers du livre et spécialement le libraire, qui «devrait jouer le rôle du “pharmacien” du livre, celui qui conseille et oriente le lecteur et incite à la lecture et à la vente». Ridha Najjar propose également la création d'un centre national pour le livre qui travaillera en collaboration étroite avec la direction de la lecture et du livre. Le rapport présente également des suggestions relatives aux domaines de la lecture et des médias. Ridha Najjar, après avoir expliqué les étapes et les résultats de la consultation nationale, a cédé sa place à Sana Ghénima, éditrice, qui a créé, sous l'égide de la Bibliothèque nationale, un projet pilote de livre électronique, accessible à partir du téléphone portable. Elle a également montré le «e-book», un appareil ressemblant à un ordinateur portable de taille analogue à celle d'un ouvrage papier et qui sert à présenter des textes numérisés. Un livre d'avenir‑! «Toutes les bibliothèques tunisiennes seront numérisées et leur fonds sera accessible à tous les Tunisiens, n'importe où», assure encore M. Najjar. Les lecteurs de demain n'auront plus de papier à feuilleter, mais des écrans à tapoter.