«Il prend aujourd'hui l'allure d'un phénomène général et massif, ayant atteint selon certains experts, un taux global de 33% mais qui revêt un caractère dramatique avec des taux de l'ordre de 36% au Kef, à Siliana, à Kairouan et à Kasserine, de 42.4% à Jendouba, de 44.4% à Sidi Bouzid, de 44.8% à Gafsa et de 47% à Kébili». L'emploi, une préoccupation majeure en période normale, revêt la dimension d'une gageure dans une conjoncture de crise, de troubles et d'insécurité, traits marquants de la période de transition démocratique que vit la Tunisie. En fait, les experts s'accordent à dire que l'effet de la conjoncture politique et sociale actuelle ne fait qu'exacerber les conséquences de la crise structurelle du marché de l'emploi dans notre pays. Exacerber, ne serait pas le mot juste, dans la mesure où la période de transition démocratique est marquée par des mouvements incontrôlés de revendications souvent excessives, de sit-ins et de manifestations de contestations parfois houleuses, de pillages et d'insubordination, mouvements qui mettent à mal l'autorité de l'Etat, dissuadent les investisseurs, menacent la cohésion sociale, fragilisent l'économie nationale, qu'ils risquent de mettre à genoux. A moins d'une prise de conscience salutaire et d'un retour rassurant de la sécurité, et surtout d'un redressement économique palpable, la transition vers la démocratie resterait dans le domaine de l'hypothétique :« c'est dire combien la promotion de l'emploi est une exigence et une garantie de cette transition », souligne le professeur Nouri Mzid, dans sa communication à l'occasion des travaux du colloque : « Emploi et transition démocratique », organisé par la faculté de Droit et l'ATDS, Association Tunisienne de Droit Social à Sfax. L'état des lieux, à propos de la situation en matière d'emploi, pourrait être qualifié d'assez alarmant du fait que « La réalité atteste d'une crise profonde qui affecte le marché de l'emploi et le statut des personnes dans l'emploi », constate le même M.Mzid dont le rapport met l'accent sur le caractère structurel du chômage : « Depuis plus de 20 ans, la Tunisie n'a pas pu faire baisser son taux de chômage officiel, resté autour d'une moyenne de 13 à 15 %, contre une moyenne mondiale de 06% et une moyenne pour l'Afrique, de 10.3% », ajoutant : » Selon les données du ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, le nombre de chômeurs s'élevait déjà en 2010 à 520 000 personnes. Ce nombre pourrait atteindre les 700 000 d'ici le mois de juillet 2011 » Les femmes et les jeunes particulièrement parmi les diplômés du supérieur sont les catégories les plus touchées. Fait paradoxal, si les le taux de chômage des personnes analphabètes ne dépasse pas les 5.7%, il varie proportionnellement avec l'élévation du niveau d'instruction : il est de 9.2% pour le niveau primaire, de 13.7% pour le niveau secondaire et de 22.9% pour les diplômés de l'université qui ne sont employés qu'à hauteur de 14%, ce qui veut dire que 86% des personnes employées ont un niveau d'étude inférieur au baccalauréat !!! Fait troublant, pour la catégorie des titulaires d'un diplôme universitaire, le chômage « prend aujourd'hui l'allure d'un phénomène général et massif, ayant atteint selon certains experts, un taux global de 33% mais qui revêt un caractère dramatique avec des taux de l'ordre de 36% au Kef, à Siliana, à kairouan et à Kasserine, de 42.4% à Jendouba, de 44.4% à Sidi Bouzid, de 44.8% à Gafsa et de 47% à Kébili. » Il va de soi donc que la promotion de l'emploi revêt un caractère impératif et s'impose comme condition sine qua non pour l'accomplissement du processus de transition démocratique. Cette promotion doit nécessairement s'inscrire dans une démarche de sécurisation de l'emploi à même de se traduire dans les faits par la création d'emplois permanents afin de rompre avec la tendance croissante à la précarisation dont l'effet est par trop néfaste sur le moral, le sentiment de dignité et d'humanité des travailleurs lesquels s'en trouvent « rejetés du côté du travail-marchandise. » La promotion de l'emploi qui revêt un caractère crucial pour ne pas dire vital pour notre économie et pour nos aspirations à une vie démocratique dans un climat de cohésion et de paix sociale, est un défi dont la réalisation exige une politique sociale équitable et une législation qui garantisse le droit de tout un chacun à un travail décent à même de préserver la dignité de l'employé.