Le Temps-Agences - L'élimination de ses rivaux et la concentration des pouvoirs qui ont permis à Mouammar Kadhafi de se maintenir plus de 41 ans au pouvoir impliquent que sa mort éventuelle entraînerait probablement un effondrement de tout le système politique qu'il a mis en place. Celui-ci est formé d'un entrelacs d'entités et de structures dont les compétences se chevauchent mais qui, indépendamment de leurs compétences officielles, ont pour point commun de dépendre du «frère guide» de la révolution du 1er septembre 1969 et de son clan. «Le régime est déjà ébranlé par les défections de certains de ses dirigeants en vue. Il est hautement improbable qu'il puisse survivre à la disparition de Kadhafi», estime Ronald Bruce St John, auteur de plusieurs ouvrages sur la Libye. Ces dernières années, le colonel Kadhafi a délégué davantage de pouvoirs à ses fils mais nombreux sont ceux qui pensent que leurs rivalités, combinées au tribalisme et au régionalisme antérieurs à 1969 contribueront a désintégrer le pouvoir. Le gouvernement libyen conserve une armée bien mieux équipée et formée que les rebelles et les forces occidentales, qui agissent en vertu d'un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies pour protéger la population contre le régime, excluent l'envoi - au moins officiel - de troupes au sol. Dès lors, les loyalistes pourraient continuer à combattre même après la mort ou toute autre forme de neutralisation du «frère guide», même s'ils se divisent et que le régime lui-même s'effondre. A Tripoli, que tiennent fermement pour le moment les loyalistes, ceux-ci assurent que c'est le peuple libyen tout entier qui est engagé dans cet affrontement avec les rebelles de l'Est, appuyés par l'Occident, et que la bataille se perpétuera si Kadhafi disparaît du paysage. «Sa mort porterait un rude coup psychologique au régime mais ne résoudrait pas nécessairement ce conflit et pourrait même empirer les choses», fait valoir Alex Warren, directeur du centre de recherche Frontier, spécialisé dans le Moyen-Orient et le Maghreb. «Je pense que le régime doit avoir un plan d'urgence en cas de mort de Kadhafi. L'un de ses fils, probablement Saïf al Islam (le plus connu à l'extérieur) pourrait se démener pour qu'on l'aide à endosser les habits de son père», ajoute Alex Warren. «Mais sa tâche ne sera pas facilitée» par la politique de son père consistant à diviser pour régner, prédit-il. Saïf s'est accroché à de nombreuses reprises dans le passé avec deux autres de ses influents frères, Moutassim et Khamis. Même si le régime s'effondrait, de nombreux dangers guettent le pays. L'Irak, où les Etats-Unis ont renversé en avril 2003 Saddam Hussein, est un bon exemple du chaos qui peut suivre la chute d'un dictateur. Les forces «libératrices» sont rapidement passées pour des forces d'occupation. En raison de la manne qu'ils tirent des richesses pétrolières de la Libye, qui possède les plus importantes réserves confirmées d'or noir d'Afrique, certains anciens caciques du régime libyen pourraient rapidement se regrouper sous la bannière de l'anti-impérialisme.