Le saint mois de Ramadan que nous accueillons ces jours ci réussira-t-il à calmer les esprits tourbillonnants des Tunisiens après les remous de la Révolution. D'autant que la période légale de proclamation de l'état d'urgence arrive à terme, fin juillet, à moins d'un renouvellement. Beaucoup de citoyens l'espèrent, comptant sur les vertus particulières du mois du jeûne dans l'apaisement des âmes et la modération des jugements concernant les affaires terrestres et humaines qui sont ramenés à leur juste mesure et deviennent relatifs.Cependant, il faut savoir en profiter dans ce sens. Des spécialistes en nutrition, réunis dernièrement à l'Institut national de nutrition de Tunis, ont appelé à agir afin de faire valoir cet aspect fondamental du jeûne, souvent annihilé par l'excès de consommation qui accompagne régulièrement le mois de Ramadan. La réunion était tenue à l'INT en vue de présenter le programme de la 12ème session du festival de l'aliment traditionnel appelé ‘'bessisa'' à Lamta, dans le gouvernorat de Monastir , prévue pour les 28, 29 et 30 juillet et comportant la traditionnelle compétition nationale de la meilleure préparation de béssissa à l'échelle du pays et la deuxième édition du colloque international sur le goût. Cette dernière manifestation se tient en collaboration avec l'unité de recherche su r la littérature maghrébine à la Faculté des lettres, des arts et des humanités de l'Université de la Manouba. Le jury de la compétition est composé principalement de médecins nutritionnistes exerçant à l'Institut national de nutrition dont les Drs Tahar Gharbi, Abdelamajid Abid et Ridha Makni. Dans ce contexte, Tahar Gharbi, le président du Jury, a mis l'accent sur les effets bénéfiques du jeûne pour la santé, soulignant que cet avantage est aujourd'hui reconnu par la communauté scientifique et médicale internationale, au point que le jeûne est adopté comme un moyen efficace pour le traitement de plusieurs maladies. Il existe, actuellement, un jeûne rituel religieux et un jeûne médical. Or, la santé est un facteur essentiel pour l'équilibre psychique et mental des individus et des collectivités. Le Pr Abdelamajid Abid a insisté sur le lien étroit qui existe entre la santé la qualité de l'alimentation en ce qui concerne aussi bien les constituants des aliments que la manière et l'art de les préparer, dit ‘'art culinaire''.
Rééduquer le goût
Les spécialistes en nutrition ont plaidé pour une réhabilitation des aliments traditionnels constitués de produits naturels et pour la rééducation du goût à l'appréciation des saveurs naturels, car le goût n'est pas inné mais s'acquiert au moyen de l'éducation. Il s'agit de limiter les incidences négatives des aliments à base de produits alimentaires industrialisés, sur la santé, ces produits étant devenu dominants dans les préparations culinaires et alimentaires dont les hommes se nourrissent, dans toutes les sociétés. L'abandon des aliments traditionnels naturels au profit des aliments à base de produits industrialisés a entraîné l'aggravation de la prévalence de nombreuses maladies des temps modernes, comme le diabète, l'obésité, les maladies cardio-vasculaires, le cancer. En Tunisie, le diabète s'est accru de 3 à 10%, tandis que l'obésité s'est accrue de 6 à 30 et 35% pour les adultes et les femmes. Le cancer s'est multiplié de façon considérable. Il en est de même des maladies cardio-vasculaires. Les aliments traditionnels sont, en outre, un attribut de l'identité nationale et une composante du patrimoine culturel national et ils méritent d'être conservés au même titre que les autres attributs et composantes. L'accent a été mis, au cours de la réunion, sur la nécessité de répertorier le patrimoine culinaire et les aliments traditionnels tunisiens, et de les étudier scientifiquement pour en évaluer les vertus sanitaires et les avantages économiques, car la multiplication des maladies signalées a aggravé le coût et les charges financières supportées par la collectivité nationale en faveur de la santé.