Par Ahmed NEMLAGHI - Le tribunal militaire est un tribunal d'exception qui connaît les litiges où au moins une des parties au procès est militaire. Cette juridiction existe en Tunisie depuis l'ère coloniale, et elle était destinée notamment à juger les cas d'insurrection où des civils et des militaires se sont affrontés et ce pendant toute la période du mouvement national. En principe, les lois relevant du tribunal militaire sont plus sévères. Le condamné à mort est passé par les armes, alors qu'il est exécuté par la pendaison, lorsque le verdict émane du tribunal civil. Le 10 janvier 1957 a été promulgué un code de la Justice militaire, lequel a été modifié par une loi du 13 juin 2000. Un décret en date d'octobre 1982 porta création d'un tribunal militaire à Sfax, (modifié en juillet 2001), puis un décret de juillet 1993 porta création d'un tribunal militaire au Kef (modifié en juillet 2001). Chacun de ces tribunaux, est compétent dans la limite des circonscriptions qui lui sont rattachées. Depuis l'indépendance, les grandes affaires dont le tribunal militaire a eu à connaître, étaient celles où les inculpés étaient des militaires, pour la plupart, accusés de complot contre le président de la République, Bourguiba à l'époque. Le verdict comporta des condamnations à mort et plusieurs parmi ces condamnés ont été passés sous les armes, après que le jugement fût devenu définitif. En fait quel recours y a-t-il contre les décisions du tribunal militaire ? Contrairement aux décisions émanant des juridictions civiles, les décisions du tribunal militaires n'étaient pas susceptibles d'appel. Le seul recours qu'il y avait était le pourvoi en cassation. Aussi le délai était-il très réduit : Il était de trois jours à compter du prononcé du jugement. un tel délai ne laissait pas beaucoup de temps aux condamnés qui étaient souvent forclos. Il n'y a eu aucun changement de cette procédure, même lors de l'institution du double degré de juridiction, en matière criminelle, et qui permettait dès lors aux condamnés d'interjeter appel. Ceux qui étaient condamnés par le tribunal militaire étaient nettement lésés, ne pouvant bénéficier du double degré de juridiction, principe juridique démocratique, permettant à tous les justiciables de mieux défendre leurs droits et sauvegarder leurs intérêts. Conçu dans une logique de tribunal d'exception, le tribunal militaire, est régi par des lois plus rigides et plus sévères. Cela ne doit plus être le cas de nos jours où les justiciables doivent être égaux devant la loi. Les tribunaux d'exception n'ont plus leur raison d'être. Cependant, pour une justice pondérée et mieux ordonnée, il doit y avoir de plus en plus de tribunaux spécialisés, tels que le tribunal de commerce ou le tribunal immobilier, ou le tribunal de la sécurité sociale. Le tribunal militaire, entrant dans cette logique, doit s'aligner aux normes d'une justice équitable, où les droits des justiciables doivent être garantis là où ils se trouvent. C'est dans cette optique, que par décret-loi en date du 29 juillet 2011, a été créée la Cour d'appel militaire, qui vient d'ouvrir ses portes au public, depuis le 16 septembre. Les condamnés en première instance peuvent désormais faire appel des jugements dont ils font éventuellement l'objet, en se dirigeant vers les locaux de la cour situés, au Bardo (rue du Brésil-El Hénya) . Evidemment, la composition de cette cour est mixte, comportant des militaires et des juges civils, comme, c'est le cas au tribunal militaire. Cela va dans le sens de la réforme de la Justice, où beaucoup reste à faire, tant concernant la procédure, que le corps de la magistrature.