Mohamed Kilani, écrivain atypique et éclectique, n'en est pas à son premier ouvrage. Il a déjà publié « Mémoire de foot », « Guide-foot » et toute une panoplie de livres dédiés au football -y interpellant la mémoire et y disséquant, sans moralisme primaire, les avatars. Tout juste après la Révolution, il publie, janvier dernier, « La Révolution des braves » et « Retour de l'enfer » en avril. Mais là, il s'attaque à cette fiancée suprême, fantasmée, « chérie » et maudite, à la fois : La liberté. Et voilà qu'il se démasque, dès le départ, comme dans une orageuse complainte fataliste. Il cherche « La liberté » entre jouissance et illusion. Car il est l'enfant naturel de ce cocktail explosif que sont, précisément, la jouissance et l'illusion. A travers cet essai, il restructure cette liberté opprimé, noyée dans l'œuf comme nous l'étions comme fœtus qui finit par sortir avec un nombril. Oui l'illusion fait de nous des nombrilistes. Nous avons l'impression d'avoir accouché de la liberté avec notre naissance. Nous la remodelons parce que comme Mohamed Kilani, il se heurte au sur-moi, au modèle parental introjecté, à cette démonstration cyniquement freudienne des strates de notre personnalité, reflet narcissique de l'illusion dont il parle. Interviennent ensuite les pesanteurs professionnelles du « plus beau métier du monde », le sien, le nôtre, ce journalisme aphrodisiaque frelaté pour une liberté de jouissance factice. Et c'est dans cet esprit que Mohamed Kilani se rebiffe. Il prévient. Il interpelle. La liberté, et, donc, la Révolution doivent échapper aux louvoiements de ces deux menteurs : la jouissance et l'illusion. Il rappelle que l'édifice est fragile, et que les périls guettent le Printemps de Tunis. Il interpelle d'ailleurs Abdelwaheb Meddeb : « J'ai peur que s'ouvre sous nos pieds le gouffre de l'aventure. Je voudrais que chacun réinvente sa prière pour lui donner l'intensité qu'exige le péril à conjurer ». Justement et si le péril était dans les tréfonds de la liberté elle-même ? Mohamed Kilani tempère les ardeurs. Il nous appelle à réfléchir sur l'essence des choses mais ne dit pas si La liberté est le but ultime du combat des hommes. Un bel essai. Le genre de livres qu'on ne choisit pas, mais qui, eux, choisissent leurs lecteurs.