A l'heure où nous livrions ce journal à l'impression, ce que nous craignions le plus paraissait imminent : la dislocation de la Troïka et la mésentente totale entre Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki. Dès lors qu'intelligemment Ennahdha a déjà intronisé Hamadi Jebali à la Kasbah. L'enjeu tournait autour de Carthage et de la Constituante. Mais, surtout, autour de Carthage. Et c'est là que Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki se sont affrontés sans parvenir à un consensus tandis qu'Ennahdha les laissait faire. Pour autant les réunions marathoniennes entre le CPR et Ettakatol et – surtout – l'arrogance démesurée de M. Moncef Marzouki, brossent une préfiguration de ce que sera la démocratie transitionnelle dans notre pays. Nous sommes, en effet, mal barrés. Et la course à Carthage, haut lieu fantasmatique, et dont les uns et les autres ont oublié que c'est un temple de souveraineté, dévalorise cette souveraineté, nous renvoyant à nos vieux démons, à la personnalisation du pouvoir et – c'est le tragi-comique de cette affaire – à une vision étriquée, fantasmée et pour le moins caricaturale de la fonction de Président de la République. Le combat de MM. Marzouki et Ben Jaâfar est digne d'éloge, admirable même pour la persévérance, dont les deux hommes – chacun dans son idéologie – ont stoïquement fait preuve. Il y a seulement à espérer que leurs motivations, à l'un et à l'autre, dans ce bras de fer pour Carthage, dépassent la symbolique du sceptre du pouvoir, ce dévoreur d'hommes et de peuples. Une « troisième voie » ? Possible. Une option vraisemblable il y a quelque temps. Un certain Caïd Essebsi qui s'est déjà mis en réserve de la République.