Une rencontre entre des journalistes tunisiens appartenant à des institutions privées et étatiques et le département de l'information du Comité International de la Croix Rouge (CICR) s'est tenue hier et se poursuit jusqu'à aujourd'hui, avec la coopération du Centre Africain de Perfectionnement des Journalistes et Communicateurs (CAPJC). Il s'agit, en réalité, d'un atelier de travail spécialement conçu pour les journalistes et qui tourne autour de plusieurs thématiques très pointues et allant de pair avec le contexte politique actuel. Des débats qui traitent de la protection des journalistes de guerre, la couverture médiatique des conflits armés et surtout la coopération des médias tunisiens dans la diffusion du droit international humanitaire (DIH).
Journalistes tunisiens, entre le marteau et l'enclume
De par le passé, on ne pouvait guère parler de journaliste de terrain ou de reporter de guerre au sein de notre chère Tunisie. On ne voyait ça qu'au-delà des frontières, sur l'autre rive. Pour cause, nos institutions médiatiques, par souci matériel ou manque de professionnalisme n'avaient pas cette perspective en vue. Lecteur, auditeur ou spectateur tunisien devait se contenter de recevoir l'information retransmise par les médias et journalistes étrangers. Manque-t-on de compétences et de ressources humaines ? La réponse est bien évidemment non. Notre pays regorge de personnes qualifiées mais les corps médiatiques n'ont jamais eu cette visée de couverture internationale. On se contentait de conter les derniers «exploits» du président déchu à l'échelle nationale et dans des situations extrêmes, on se reportait aux journalistes étrangers se trouvant dans les zones de conflits. Bâillonnés, ils ne pouvaient, bon gré ou mal gré, prétendre à un niveau professionnel meilleur au sein d'une dictature. Entre faire taire leur conscience professionnelle et fuir comme la peste la réprimande policière, ils n'avaient pas trop le choix. Cette ère obscurantiste est bel et bien finie, Dieu merci le 14 janvier a eu lieu. Et du jour au lendemain le journaliste tunisien, non préparé à travailler sur terrain se retrouve au cœ ur du conflit, sur terrain, sans qu'il ait été précédemment formé à confronter les situations les plus périlleuses. Sorti de la tiédeur de son bureau, les sit-in, les manifestations et la discorde politico-sociale l'interpellent. Danger de mort, de torture, de violence et violation des droits les plus élémentaires, il devra tout affronter sans qu'il ne soit assuré, protégé ou encadré par aucune institution médiatique, gouvernementale ou sociale.
Entrée dans la cour des grands
La présence du CICR et cette initiative prise par ce comité au siège même du CAPJC sont des signes révélateurs. Les temps ont changé, la donne aussi, tiens ! Fondé depuis presqu'un siècle et demi, le CICR est né d'une conscience humanitaire d'une collectivité qui milite pour les droits de l'Homme et la conservation de la dignité de tout un chacun. Ces conventions signées entre la Croix Rouge, le Croissant Rouge et les Conventions de Genève ont donné naissance à un organisme à la fois non gouvernemental et gouvernemental qui coordonne avec la Société civile internationale et les médias dans des cas d'extrême sensibilité. Il revient au CICR d'intervenir quand l'atteinte à la dignité des prisonniers de guerre ou victimes de conflits armés est répétitive. Leur mission couvre aussi le soutien et l'assistance qu'ils apportent aux blessés et familles vivant en péril dans les fronts de guerre ou les prisons. Travaillant en étroite collaboration avec les journalistes, les membres du CICR ont attiré l'attention, lors de ce workshop sur le rôle des médias en temps de crise dans leur action informative et humanitaire. Il était aussi question du respect de la dignité humaine qui demanderait parfois une certaine retenue lors de la diffusion de l'information. Informer OUI mais pas à n'importe quel prix ou n'importe comment. Dans un second volet, des débats ont été animés autour de la question de la protection et de la sécurité des journalistes dans les zones de conflits. Il s'agissait de montrer aux journalistes tunisiens la meilleure façon pour se protéger en cas de crise. L'adhésion de la Tunisie au Statut de Rome qui s'est faite le 1er septembre 2011, en est pour quelque chose. En tant que premier pays maghrébin à avoir adhéré à la Cour Pénale Internationale (CPI). Le workshop a donc donné lieu à des discussions enrichissantes et de première importance pour les représentants de médias tunisiens dans le sens où, ils sont sortis d'une torpeur qui leur a été imposée naguère. Aujourd'hui, les journalistes tunisiens peuvent, fort heureusement, travailler dans les règles de l'art, partir couvrir ce qui se passe «outre-mer», de l'autre côté du globe et surtout apprendre à diffuser l'information tout en respectant la dignité humaine des victimes ou prisonniers de guerre.