La BCT fut créée en 1958 par une loi organique, fixant ses attributions et définissant le mode de sa gestion ainsi que ses organes directeurs. Elle est présidée par un gouverneur nommé par décret du Président de la République pour une période de six ans et ne peut être relevé de ses fonctions que par décret du Président de la République. S'il cesse ses fonctions, il aura droit à tous les avantages de gouverneur pendant les trois années suivantes. Il ne peut en contrepartie bénéficier de crédits auprès du secteur bancaire ni apposer sa signature sur un quelconque effet financier pendant toute cette période .Les fonctions de gouverneur, de sous-gouverneur ou d'administrateur de la BCT sont incompatibles avec tout mandat législatif et toute charge gouvernementale. Au terme de la loi « Le gouverneur est consulté par le gouvernement chaque fois que celui-ci délibère sur des questions intéressant la monnaie ou le crédit ou pouvant avoir des répercussions sur la situation monétaire » (Art.8 Alinéa 2 0 : loi 58-90 de 1958). Ce modèle, inspiré par celui de la Banque de France à l'époque, a pour objectif de faire en sorte que la BCT soit l'autorité monétaire, totalement indépendante des décisions politiques adoptées par le gouvernement. Elle doit faire contrepoids à ces décisions aux fins de freiner l'augmentation du coût de la vie, de limiter les dégâts de l'inflation par le crédit et par conséquent assurer la défense de la valeur du Dinar. Les décisions politiques adoptées par le gouvernement sont, en général, édictées par des motifs et en vue d'objectifs électoraux et tendent à faire actionner avec facilité la planche à papiers, chose que la BCT est tenue de freiner et d'assurer une adéquation permanente entre les besoins de l'économie et les crédits financés par la monnaie centrale. Ainsi, elle contrôlait les crédits dispensés aux entreprises et fixait leur réglementation et assurait en parallèle, le contrôle des changes afin d'équilibrer la balance des paiements. C'est pourquoi, pendant toute la gouvernance de Hédi NOUIRA(12 ans-1958-1970), la BCT ne participait pas aux différentes commissions étatiques évitant de se trouver engagée par leurs décisions. Elle communiquait son avis, s'il lui était réclamé, par correspondance écrite. Elle rendait compte de sa gestion par un rapport annuel adressé au Président de la République et mis à la disposition de l'opinion publique. C'est par cette stratégie, que la BCT a pu limiter les dégâts du système coopératif des années 1960 en contrôlant les crédits des entreprises et des coopératives et en les limitant aux stricts besoins. Elle a pu endiguer la politique du gouvernement jusqu'à la fin de la coopération en 1969. Ce rôle de contrepoids ne peut être assuré que par une autorité monétaire totalement indépendante du gouvernement tant dans ses décisions que dans la composition de ses organes directeurs. Il est actuellement question de faire fi de cette indépendance et de soumettre la BCT à l'autorité du Premier ministre. Autrement dit, ENNAHDHA, par son projet, compte infester la BCT au même titre que les rouages de l'administration et du secteur public. Si la planche à papiers commence à tourner au gré du premier ministre, le pays aura à encourir les risques issus de l'absolutisme d'un pouvoir détenu par une seule et unique personne à savoir une inflation galopante, un endettement extérieur sans commune mesure avec la capacité de remboursement du pays, etc… Qui à la place d'une BCT indépendante pourra attirer l'attention de l'assemblée législative ou constituante, du Président de la République et de l'opinion publique sur les dérives du Premier ministre ou du ministre des finances, toujours assoiffés de besoins de fonds ? La BCT a le privilège de l'émission générée par l'achat et la vente sur le marché monétaire et les concours accordés au trésor, hormis les opérations de crédit et de change. Les avances au trésor sont considérées comme les plus inflationnistes. Selon l'article 40 de la loi organique, la BCT peut consentir une avance maximale en compte –courant du trésor égale à 5% des recettes ordinaires de l'Etat. La BCT était soumise pendant les années 1960 aux décisions du fonds monétaire international limitant les avances au trésor, condition sine qua none pour le FMI d'accepter de nous financer. Il n'est guère exclu que, gouvernée sous l'autorité et par décisions du Premier ministre, la BCT puisse ouvrir le robinet de la monnaie pour des avances illimitées au trésor, entraînant une élévation erratique du coût de la vie et par la même une dépréciation continue du dinar. En conclusion, il apparaît extrêmement dangereux de changer la loi organique de 1958 dans le sens de l'assujettissement de la BCT au pouvoir politique. Ancien cadre de la BCT jamel Ezzeddine