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«La Tunisie nouvelle n'a pas besoin d'un ministère des Droits de l'Homme» Trois questions à Me Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH):
«Me Samir Dilou, ministre des droits de l'Homme, ne pourra pas être impartial puisqu'il est en même temps porte-parole officiel du gouvernement» « Nous craignons que le ministère des Droits de l'Homme ne serve à embellir l'image du gouvernement comme le faisait celui créé par Ben Ali» Le Temps: Comment réagissez-vous à la création d'un ministère des droits de l'Homme et de la justice transitionnelle? Le comité directeur de la Ligue Tunisienne de Défense des droits de l'homme s'est réuni, vendredi dernier pour examiner cette question particulière. Il a exprimé ses inquiétudes au sujet du tout nouveau ministère des Droits de l'homme et estimé que la Tunisie nouvelle qui entre dans une nouvelle ère démocratique n'a pas besoin d'un tel ministère. Ce département n'a pas de raison d'être dans une démocratie. C'est, en effet, à la société civile en général et à la LTDH en particulier d'assurer le respect des droits de l'Homme, de recenser les atteintes qui pourraient se produire et de faire pression sur les autorités. Notre inquiétude est d'autant plus grande que ce portefeuille des droits de l'Homme a été confié à Me Samir Dilou, un dirigeant du mouvement islamiste Ennahdha qui occupe en même temps le poste-parole du gouvernement. Ce cumul de deux fonctions presque antagonistes pose problème surtout en cas où le gouvernement commet des violations des droits humains. . Me Dilou ne pourra pas être, en effet, impartial puisqu'il sera tiraillé entre la défense des intérêts du gouvernement dont il est le porte- parole et la préservation des droits de l'Homme que lui impose son maroquin. Vous appelez, donc, à la suppression du ministère des droits de l'Homme ? Nous n'allons pas jusqu' exiger pas la suppression de ce ministère. Le gouvernement est libre de recourir au découpage des ministères qu'il estime judicieux. Mais nous craignons de voir ce ministère se transformer en un outil de propagande qui servira à embellir l'image de marque du gouvernement comme le faisait l'ex ministère de la justice et des droits de l'Homme sous le règne de Ben Ali. Ce risque de voir le très sensible dossier des droits de l'Homme instrumentalisé à des fins de propagande politique est d'autant plus réel que le ministre des droits de l'Homme appartient à un parti qui a remporté les élections et qui détient tous les portefeuilles ministériels régaliens. Il aurait été plus logique, dans ce cadre, de mettre en place des cellules chargées de la coordination avec les organisations de la société civile au niveau de chaque ministère au lieu d'instituer un département chargé des droits de l'Homme. Comment jugez-vous la composition du nouveau gouvernement ? Malgré sa révision à la baisse, le nombre des membres du gouvernement est, à notre sens, pléthorique. En ces temps de crise, le Chef du gouvernement aurait dû opter pour un cabinet restreint ne dépassant guère les 20 membres. A titre comparatif, les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou encore le Japon ont des gouvernements constitués d'une vingtaine de ministres pour des populations largement plus nombreuses que celles de la Tunisie. Globalement, le découpage actuel du gouvernement procède beaucoup plus d'une logique de partage du «butin électoral» que d'une volonté de répondre aux besoins du pays et de sa population. Pour rectifier le tir, j'appelle les membres du gouvernement et le Président de la République à faire don du tiers de leurs salaires, au moins, aux familles des martyrs, aux blessés de la révolution et aux couches sociales les plus démunies. Propos recueillis par Walid KHEFIFI