Il est parfaitement dans les prérogatives d'un ministre de limoger, de muter ou de promouvoir ses cadres. Ali Laârayedh ne fait pas exception. Mais, il peut faire la différence. Car il brasse le ministère le plus difficile à gérer, avec ses ramifications, ses gradés, ses agents, ses indics et puis, un certain « code de l'honneur » sans que cela soit forcément mafieux. La police aurait préféré quelqu'un d'autre à la place de Laârayedh. Elle craint que cet homme, sauvagement torturé, du temps de la répression des Nahdhaouis, ne soit mu par des motivations vengeresses. Ce n'est pas le cas, parce que les actuels cadres ne l'ont pas connu. Et le bras armé de cette répression et des années de torture est en prison et répondra de ses outrances. Sauf que Ali Laârayedh et Ennahdha ont encore beaucoup à apprendre et, particulièrement, dans le domaine de la sécurité. Et bien que les syndicats de la police aient eu des positions divergentes, les 40.000 policiers en Tunisie (alors que l'Egypte n'en compte que 30.000 !) sont solidaires et régissent leurs rapports en fonction d'une règle précise, la loi de l'omerta. Mais, cette affaire Laâjimi n'a pas été traitée avec discrétion et dextérité. Oui, on s'en est plaint à Sidi Bouzid auprès de Marzouki. Il n'en reste pas moins qu'une enquête devait être calmement diligentée. Or, que le ministre de l'Intérieur ait été flou ou qu'il ait eu l'intention de limoger Laâjimi avant de le récupérer, hier, dans son cabinet, cela ne méritait pas la déferlante des sympathisants nahdhaouis avec, en première ligne, des têtes coutumières, ces barbus photogéniques. La police n'a pas réagi. Elle a regardé et laissé faire. Sauf qu'il n'est pas dans l'intérêt du pays que la police se désengage. C'est bien elle qui a précipité la chute de Ben Ali. Et c'est elle qui a laissé un certain Farhat Rajhi, ce rédempteur illuminé, basculer dans le vide.