Raouf KHALSI - Ministre de l'Intérieur quelque part sympathique – ce qui, en soi, est une hérésie – mais réellement atypique : il avait tout contre lui. Farhat Rajhi aura foncé tête baissée sur un « ogre » policier ou plutôt sur un « dragon à plusieurs têtes ». Mais, son erreur de départ aura consisté à personnaliser ses rapports avec la « sécurité » à trop s'appuyer sur un Général ayant, lui, très vite compris que le vedettariat ne convenait pas et que le rétablissement d'un nouvel ordre sécuritaire et à visage humain nécessite, d'abord, une profonde connaissance des mécanismes sécuritaires, des rouages de la bâtisse la plus hermétique et la plus effrayante de Tunisie et des articulations corporatistes des différentes polices. Dès son accession au Premier Ministère, Béji Caïd Essebsi a dit ce que tout le monde pensait sans le dire : restaurer la dimension de l'Etat et cela passe inévitablement par le rétablissement de la sécurité. Pour autant le mot « sécurité » renvoie aux démons de la répression sous Ben Ali. Et dans cette purge spectaculaire, y compris le courage d'avoir dissous ce monstre philistin qu'est le RCD, il y avait comme dirait Bernard Henri Levy du : « le tout révolutionnaire », espèce de vade-mecum politique offert aux « princes du jour »… sauf qu'on ne vit pas de « Révolution et d'eau fraîche »… Très vite – on le voit – « Le Pouvoir » se remet en place. Rousseau s'y était pris et à plus de deux siècles de distance, on ne sait trop dire si « Le Pouvoir » est de nature, et qu'il est, donc, éternel ou qu'il soit de culture et qu'il est donc périssable. « Le Pouvoir » c'est bien plus que des dissertations. Il n'est pas « l'allogène de la société : il fait corps avec elle et il est l'instituteur de ses états ». Au-delà d'un limogeage – justement – la chute de Farhat Rajhi est, techniquement, imputable à ce que les maximalistes appellent « l'effritement de la sécurité ». Ce corps invisible d'une police profonde s'est dilué comme pour laisser voir, laisser pourrir les choses, laisser Rajhi se fondre dans des sursauts rédempteurs et messianiques. Quelle est, donc, la corrélation avec « Le Pouvoir » ? Qui détient réellement « Le Pouvoir » ? Et faut-il s'en accommoder ou s'en inquiéter ?