Curieux retour des choses : avant, tout ne se faisait que sans Ennahdha. Aujourd'hui, rien ne se fera sans elle. Et, de surcroît, les Nahdhaouis ont été vieux jeu en claquant la porte de la Haute Instance, prétextant le sacrilège tenant aux sources de financement du mouvement. Voilà que Rached Ghannouchi et ses fidèles tirent subtilement les ficelles. Et voilà, aussi, que ceux qui n'ont pas quitté la Haute Instance n'arrivent plus à se positionner : ils sont soit alliés, soit adversaires d'Ennahdha. Son absence les prive, dans les deux cas, d'un repère stratégique. Ça aussi, c'est très curieux. Inévitablement, Yadh Ben Achour est pris à partie. Le ton monte, en effet, et dans la pure tradition des magmas post-révolutionnaires, voilà qu'un homme probe, tel Mokhtar Yahyaoui, suggère que le président de la Haute Instance tire carrément sa révérence. A l'évidence, la visite du Premier ministre, avant-hier, a compliqué les choses bien plus qu'elle n'en ait résolu. L'entrée en matière, déjà, procédait d'amalgames pour le moins fallacieux : « gouvernement dans le gouvernement » ? Le gouvernement, c'est bien Caïd Essebsi, et il est dans son droit lorsqu'il revendique ses prérogatives et rappelle qu'il ne tolère pas qu'on y interfère ! Et l'amalgame se justifie d'autant moins que la Haute Instance est le gardien du temple ; le gardien de la Révolution avec ses relents à la fois rédempteurs, puritains et, même, manichéens. Il ne s'agit, donc, pas de séparation des pouvoirs. Sauf que la Haute Instance est tenue de gérer le côté noble de la Révolution ; tandis que le gouvernement en gère les outrances : deux faces d'une même médaille.