La montée des salafistes, un phénomène emprunté à une époque dépassée et une culture désuète qui n'a plus raison d'être et qui a connu son paroxysme avec la profanation du drapeau national à la Faculté des Lettres de La Manouba, renvoie, entre autres, à l'utilisation des mosquées pour des fins politiques. Le ministère des Affaires religieuses tire des conclusions qui s'imposent. Le ministère des Affaires religieuses a jugé bon, dernièrement, de publier un communiqué où il appelle à mettre fin aux actions entreprises pour perturber la marche normale des mosquées, lieux de prière où l'on ne peut invoquer et citer que le Nom Majestueux de notre Créateur. Ces espaces ne peuvent rester en dehors de la loi. Il faut reconnaître qu'après la Révolution du 14 janvier, beaucoup de mosquées ont connu une anarchie cacophonique. Elles ont été utilisées à des fins occultes et mêlées aux méandres de la politique. Des Imams avaient été démis, sous prétexte qu'ils étaient laudateurs de l'ancien pouvoir. On parle de 400 mosquées qui ont eu à connaître ces mouvements. Il faut dire que l'instrumentalisation des mosquées n'est pas chose nouvelle. Plusieurs forces politiques, principalement les islamistes, avaient été critiquées pour avoir utilisé les espaces de prière pour diffuser leur discours politiques opposés à la dictature. L'ancien pouvoir n'avait pas manqué d'utiliser les prêches du vendredi pour vanter ses « réalisations ». L'instrumentalisation de ces espaces religieux ne s'est pas arrêtée avec la Révolution. On parle maintenant de mosquées salafistes et d'autres proches de telle ou telle tendance. D'ailleurs, lors de la campagne électorale des élections du 23 octobre, les appels, à peine voilés, ne manquaient pas pour soutenir tel ou tel parti. Pourtant, Ennahdha avait appelé à la neutralité des mosquées. Toutefois, nombreux observateurs considèrent que certains de ses sympathisants avaient participé aux actions de destitution des Imams en exercice. Unir et non diviser Parfois, certains Imams abordent des questions politiques, en n'hésitant pas, par exemple, à fustiger la position de l'Union Générale Tunisienne de Travail (UGTT) lors de sa crise avec Ennahdha. S'il est vrai que le ministère des Affaires religieuses ne peut imposer un quelconque contenu aux prêches, il faudrait qu'il engage des campagnes de sensibilisation pour éviter aux mosquées les querelles et les magouilles politiques. L'utilisation de ces espaces par des prédicateurs comme Wajdi Ghonim, ne peut plus être tolérée. La mosquée doit servir à unir et non à diviser. A Jendouba, le ministre des Affaires religieuses avait appelé dernièrement les prédicateurs à se former davantage et à respecter la loi. Le prédicateur doit avoir obtenu son baccalauréat et suivi des études en Sciences islamiques. Avec la multiplication des références (Hizb Ettahrir, Ennahdha et les Salafistes), le ministère doit pouvoir trouver les solutions adéquates pour éviter la politisation de ces espaces religieux. Le caractère modéré des Tunisiens doit être respecté. Le ministère des Affaires religieuses devra recruter des prédicateurs, titulaires de diplômes universitaires en Sciences islamiques. Le ministère a dû rappeler que «la nomination des cadres religieux au niveau des mosquées est de son ressort et « qu'aucune partie » en dehors du ministère n'a le droit d'intervenir sur cette question pour congédier, nommer ou muter de quelque façon que ce soit et sous n'importe quelle condition». Se placer à un palier supérieur Dans sa déclaration, le ministère précise que dans « le cas où la situation exige un changement des cadres religieux en fonction de la volonté des fidèles de la mosquée, cela devrait se faire en prenant contact avec le ministère tout en joignant à cette demande les arguments et les documents à cet effet ». Le ministère affirme que « les édifices religieux sont des biens publics et que toute intervention en leur sein pour faire des aménagements ou les équiper constitue une infraction et une source d'anarchie . Dans « le cas où les fidèles souhaiteraient apporter des modifications à ces édifices, ajoute-t-il, il est de leur devoir de consulter le ministère ou son représentant afin de prendre les dispositions nécessaires conformément à la législation et à l'intérêt général ». Dans un autre communiqué, le ministère était revenu au sujet pour « déclarer son refus total de toute forme de violence et surtout à l'intérieur des lieux de culte et des mosquées ». Il a rappelé aux pratiquants que « les mosquées sont avant tout un lieu de culte, un lieu d'union comme l'indique son nom (jamaa) et non un lieu générateur de schismes entre les membres d'une même communauté». Il a signalé que « les mosquées et les lieux de culte sont des établissements relevant du ministère ce qui implique que seul le ministère est en charge de leur gérance conformément à la loi ». Le ministère compte apporter des réformes quant à la désignation des imams, l'amélioration du contenu des discours… Il faut rappeler que la loi de 1988 régissant les mosquées, interdit l'instrumentalisation de ces espaces à des fins politiques. Comme c'est une loi promulguée par l'ancienne dictature, qui ne s'est pas empêchée d'empiéter sur ces restrictions, certains cherchent à la contourner. Toutefois, les nouveaux gouvernants doivent viser et atteindre un palier supérieur. L'Etat ne doit pas se désengager de son rôle qui consiste à protéger les mosquées de toute instrumentalisation politique.