La célébration des grandes dates de l'Histoire d'une nation doit toujours être ressentie avec une intense émotion et avec un sentiment d'orgueil et de fierté. Parce que ces dates sont des jalons qui balisent le combat de tout un peuple pour le recouvrement de sa liberté, sa dignité et ses droits spoliés. Et elles ne peuvent être considérées comme l'œuvre d'une seule personne ou d'un groupe d'individus quels qu'en soient l'apport et le dévouement pour la patrie. Pour nous, peuple dit du Tiers-monde, proie facile à un moment de notre histoire, pour la convoitise et la voracité des grandes puissances, et ayant subi durant de longues décennies les affres de la colonisation et de l'injustice, la lutte pour l'indépendance était notre planche de salut et l'unique alternative à une vie de servitude. Pour cela, le peuple tunisien a opté pour la lutte armée et la désobéissance civile, consentant d'énormes sacrifices et arrosant le sol de la patrie avec le sang de ses martyrs, tombés au champ d'honneur, pour que le drapeau tunisien flotte haut. Aujourd'hui, la Tunisie fête le 56ème anniversaire de son indépendance sans que cela suscite une ferveur particulière ni du côté officiel, ni du côté populaire, chacun étant submergé par ses préoccupations, par ses soucis quotidiens et ses calculs étroits. Comme si l'évènement ne méritait pas l'importance qui lui sied et comme si l'indépendance avait été offerte sur un plateau par la France coloniale, au peuple tunisien. A l'ère des dictatures, sous Bourguiba, comme sous Ben Ali, pareils événements étaient fêtés en grande fanfare, mais c'était pour louer le « génie » du leader unique, du parti unique, et de la pensée unique, le peuple était laissé à l'écart et son combat complètement occulté. Aujourd'hui, nous sommes dans une ère post-révolutionnaire et le peuple est maître de son destin. Son rôle dans la libération et la construction doit être mis en évidence et les enseignements de ses épopées doivent constituer une source d'inspiration pour les générations montantes. Sans doute, les jeunes générations ne sont-elles pas sensibles, ou assez sensibilisées quant aux valeurs du 20 Mars. Il appartient, néanmoins, à la mémoire collective de redonner toute son aura, toute sa dimension à la libération nationale. C'est incontestable. Et c'est un repère inamovible. La tiédeur ambiante – surtout du côté des officiels – procède d'une confusion entre hauts faits, symboles et personnages… Pourtant, l'un des enseignements premiers de la Révolution du 14 Janvier, est de dissiper cette confusion.