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Kamel Jendoubi : «L'Arabie Saoudite et le Qatar financent une partie du salafisme et de l'islam politique»
Colloque à Paris: Souffle démocratique au sud de la Méditerranée
Publié dans Le Temps le 28 - 03 - 2012

Proposé par l'association Carrefour de la République, avec le concours de l'association des Jeunes égyptiens du 25 janvier à Paris, le colloque organisé à l'Hôtel de ville de Paris le 26 mars a voulu exposer et analyser les avancées enregistrées, un an après le déclenchement des révolutions, dans les différents pays de ce qui est convenu d'appeler « le printemps arabe ».
Des intervenants de Tunisie, d'Egypte, de Libye et de Syrie ont pu donner leurs témoignages à côté de personnalités européennes représentant le Conseil de l'Europe, l'Union Européenne, mais aussi des membres de la société civile (FIDH, Human Rights Watch, Barreau de Paris) et d'éminents journalistes. Le panel de qualité choisi a pu donner des informations factuelles précises, mais aussi avancer des points de vue personnels subjectifs ou des analyses universitaires récentes.
La représentante du Conseil de l'Europe, Jutta Gutzkow, a ouvert le colloque en soulignant la volonté des instances européennes d'accompagner les transitions démocratiques en cours dans le monde arabe autour de « la question clé des réformes démocratiques et sociales ». Elle a mis l'accent sur ce que le Conseil de l'Europe considère comme central dans cette voie : « des élections libres, l'égalité hommes-femmes, une démarche pluraliste, la protection des droits de l'homme et un Etat gouverné par le droit ». Constatant les insuffisances qui apparaissent ici ou là, Le Conseil de l'Europe se propose d'organiser des sessions de formation en direction des élites politiques nouvelles qui se retrouvent aux commandes des Etats, sans expérience de gestion des affaires publiques. Des écoles de formation politique, dirigées par des ONG, préparent des cours de formation dont bénéficieront aussi les responsables de la société civile pour faciliter le dialogue et l'interaction avec les responsables gouvernementaux.
Au cours d'une des cinq tables rondes organisées, le second représentant de l'Europe, Emanuele Giaufret, a réitéré le même souci ajoutant que l'Union « considère les gouvernements issus des élections post-révolution comme des partenaires » tout en travaillant à « renforcer la société civile ». L'objectif recherché est de « développer des économies durables et inclusives » et, par des mesures d'accompagnement, d'aider à « établir des démocraties profondes et durables qui respectent les droits de l'homme, l'Etat de droit », comme cela a été entrepris dans les ex-pays de l'Est européen après la chute de l'Union soviétique.
Après ce regard externe sur les révolutions arabes, le journaliste Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde diplomatique, a donné au colloque sa coloration politique en réfutant l'idée culturaliste, largement répandue en Europe, que le monde arabe est incapable d'accéder à la démocratie. « Les Arabes ont fait la preuve qu'ils peuvent faire leur démocratie. Ces mouvements se sont déclenchés sans nous et contre nous », a-t-il martelé, avec sa verve habituelle. Il a dénoncé la complaisance des régimes européens qui ont soutenu et cautionné les régimes dictatoriaux arabes et le pillage des pays arabes. « Nous avons favorisé une clique pour piller des pays comme la Tunisie, avec la complicité d'un certain nombre de nos entreprises. Cela continue malheureusement au Maroc », a-t-il ajouté.
Questions suspendues
Les différents intervenants ont constaté l'accélération de l'histoire, et souligné l'impossibilité de formuler des jugements arrêtés devant ces évolutions rapides. Mais, comme l'a noté Dina El Khawaga, professeur de politiques publiques à l'université du Caire, il faut s'interroger sur les événements et sur les outils et concepts d'analyse. « Faut-il parler d'élections dans un cadre de processus de transition démocratique ou dans un cadre de sortie laborieuse du système autoritaire ? », dit-elle. Tout en récusant le concept de « transition démocratique » que l'Europe tend à imposer dans les débats, elle met en évidence les différences entre les pays, et la nécessité de ne pas partir d'un « modèle unique de référence » pour appréhender les révolutions. Pour elle, il ne s'agit pas de se féliciter que des élections ont eu lieu après le départ des dictateurs. Il faut interroger les systèmes de gouvernance. « En Egypte, des élections acceptables ont été tenues dans un climat qui n'était pas libre, mais qui a renforcé les acteurs dominants » au détriment des forces démocratiques désorganisées. Elle a dénoncé l'attitude internationale conciliante envers les militaires qui dictent la route à suivre en promulguant tous les décrets organisant la vie politique (élections, constitution).
L'expérience tunisienne a été présentée par Kamel Jendoubi, président de l'ISIE, qui a présenté le cadre juridique et politique de la transition. Il a mis l'accent sur les enjeux de l'organisation des élections du 23 octobre conformément au mandat de l'ISIE (rupture avec les traditions de falsification des élections de l'ancien régime, l'élection d'une assemblée constituante, le respect de l'expression du peuple pour la rédaction d'une Constitution). Les chiffres qu'il a avancés (4.000 agents, 400 membres de l'ISIE, 52.000 membres des bureaux de vote, 14.000 observateurs tunisiens et étrangers, 10.000 journalistes) ont montré la complexité de l'opération et posé la question du succès ou nom d'une opération de cette envergure.
Sur le plan politique, la question de la menace salafiste a été très discutée. M. Jendoubi n'a pas éludé la question. Il a considéré que deux menaces se profilent à l'horizon : « la dégradation économique et sociale avec plus de 700.000 chômeurs et l'attitude d'Ennahdha vis-à-vis du salafisme et sa capacité à conduire la transition ». Il a rejoint d'autres intervenants sur la question du financement des partis politiques en soulignant qu' « une partie du salafisme est financée par l'Arabie Saoudite et une partie de l'islamisme politique est financée par le Qatar ».
Mis à part, cette intervention, le colloque n'a pas abordé l'aspect géostratégique des révolutions et des transitions démocratiques. Il a privilégié une approche factuelle et a donné la parole à des témoignages et des expériences de terrain.
Mécanismes de contrôle
Le cas libyen a été présenté par Mohamed El Alagui, président du Conseil suprême des libertés publiques et des droits de l'homme en Libye. Ancien ministre de la justice dans le premier gouvernement de la transition, M. El Alagui est au fait des dérives du régime de la Jamahirya. Il a souligné que les juges et les avocats ont été les premiers à la tête des soulèvements à Ben Ghazi, à Misrata et à Tripoli. Contrairement à l'idée qu'on pourrait se faire en suivant les médias, il a détaillé les mesures déjà prises dans la Déclaration constitutionnelle de transition pour garantir le respect des droits de l'homme et l'instauration de mécanismes de contrôle et de recours en cas de violation. « Les lois et les cours d'exception ont été abolies, les partis politiques et les associations sont autorisés», a-t-il dit. Il a appelé à une coopération constructive avec les partenaires européens et déclaré que « la Libye est ouverte, ouverte au contrôle des droits de l'homme, au contrôle des élections, au contrôle des lois adoptées par les organisations internationales.»
La question des mécanismes de contrôle constitutionnel et des recours dans un système régional de protection des droits de l'homme a été au centre d'une table ronde animée par des acteurs de la société civile (FIDH, Barreau de Paris et Human Rights Watch). Si l'expérience européenne, prise comme exemple, semble garantir le respect des droits de l'homme par l'adoption de la Convention européenne des droits de l'homme et la Cour européenne des droits de l'homme, l'exemple arabe a soulevé des questions sur la capacité de la Ligue des Etats Arabes, un « club de dictatures » selon un intervenant, à garantir les recours individuels ou collectifs contre les violations des droits de l'homme. Les responsables des ONG ont soutenu l'idée qu'il est nécessaire de continuer à faire pression sur les institutions régionales, tant qu'elles existent, pour faire avancer la cause des droits de l'homme, sans toutefois être dupe. Concernant la période de transition, les ONG des droits de l'homme considèrent que les vrais enjeux sont dans la garantie de normes de références (constitution, lois) qui respectent les obligations internationales (déclarations et traités), l'instauration de mécanismes de contrôle (mandat de qualification juridique, mandat d'indépendance, droit de saisine individuelle) et l'association de la société civile au processus démocratique.
Les femmes au premier plan
Deux voix féminines, Boutheina Kamel, candidate à la présidence de la république en Egypte, et Hala Al Abdallah, cinéaste et militante syrienne, ont apporté deux éclairages sur les expériences de leurs pays respectifs. L'égyptienne a présenté son geste comme une candidature de témoignage. « Pour moi, ces élections sont une comédie. Tout ce qui est entrepris sous le régime militaire est faux et illusoire », a-t-elle affirmé. L'état de la révolution, selon elle, reflète l'état des femmes en Egypte. Exclues, soumises de force, malgré leur participation aux manifestations sur la place Tahrir. Elle a dénoncé les nouvelles lois liberticides adoptées par la nouvelle Assemblée nationale dominée par les islamistes et leur obsession de la question féminine. Rappelant l'empressement des islamistes à légiférer, non sur les questions cruciales de pauvreté, de chômage et d'inégalité, mais sur des questions se rapportant à la sexualité, Boutheina Kamel a fustigé la nouvelle traite : « Par la légalisation du mariage à l'âge de 12 ans, on légalise la traite des jeunes filles pauvres destinées à des cheikhs et des dignitaires d'Arabie Saoudite ». Malgré le tableau sombre qu'elle a présenté de la situation en Egypte, elle reste optimiste : « Nous avons brisé le mur de la peur ». Elle a rappelé à cet effet le slogan des jeunes de la place Tahrir : « On n'a pas eu peur des chars, on n'aura pas peur des barbus ».
Hala Al Abdallah, cinéaste et militante syrienne, s'est distinguée par une parole « porteuse de rêve, le rêve de devenir une citoyenne syrienne à part entière, avec des droits et des devoirs ». « J'espère ne pas me retrouver dans la situation de Boutheina après avoir abattu la régime en Syrie » a-t-elle ajouté. Ironisant sur le « progressisme » du régime syrien qui trouve encore des adeptes dans les pays arabes, la cinéaste a déclaré : « Oui, on peut le considérer comme progressiste. Depuis un an, il a traité les femmes syriennes comme les hommes, en totale égalité, en les torturant, en les quidnappant, en les exécutant. La femme syrienne est l'égale de l'homme syrien qui subit les mêmes sévices, les mêmes horreurs ». Ecrivains, journalistes, poètes, artistes comptent parmi les milliers de détenus. « Y a-t-il des salafistes, des islamistes parmi eux ? J'en doute », ajoute-t-elle. Pour elle, le régime instrumentaliste la question islamiste pour aggraver les peurs. « Pour moi, l'avenir de la Syrie est certain grâce au combat de ces femmes qui ne lâchent rien, qui ne cèdent jamais. Des femmes parmi les tansiqiyat, parmi les manifestants, des femmes qui organisent le combat avec les hommes. »
Cette participation des femmes aux révolutions a été confirmée par l'universitaire Mathieu Guidère, spécialiste d'histoire immédiate du monde arabe et musulman, auteur d'un livre à paraître intitulé Le printemps islamiste : démocratie et charia (Ellipses, 2012). Il a apporté la primeur de ses recherches sur le terrain entre février 2011 et février 2012 dans 12 pays arabes. D'après les conclusions factuelles de son enquête, les femmes représentaient le 1/3 des manifestants dans les rues de Tunis, du Caire ou de Sanaa. Sur Internet la même proportion se vérifie dans les militants du monde virtuel. Pour le chercheur, c'est une proportion considérable par rapport aux pratiques en France où l'on n'arrive pas à ce degré d'engagement féminin.
L'analyse des données l'amènent à dégager des tendances originales. « Il y a un très fort engagement féminin, mais une très faible revendication féministe », conclut-il. Cela s'explique, d'après lui, par la faible remise en cause du système patriarcal qui reste, cependant, le symbole de l'autorité (le père, le grand frère, l'oncle) et aussi, par la très faible remise en cause des normes sociales et morales traditionnelles et des valeurs religieuses. C'est ce qui expliquerait l'engagement des femmes dans les mouvements islamistes où, tout en s'insérant dans la culture religieuse dominante, elles se retrouvent actrices de la grande histoire. L'enquête a montré enfin que les femmes, même celles qui ne sont pas islamistes, ont voté majoritairement pour les islamistes. C'est ce qu'il appelle « le dilemme des femmes arabes » qui ne sont pas arrivées à sortir du cadre moral patriarcal qui leur impose de se définir en tant que musulmanes avant de se définir en tant que citoyennes.
La récupération des valeurs religieuses à des fins politiques favorise les revendications identitaires brandies par les islamistes dont le fondement serait de récupérer les femmes arabes et musulmanes, malgré elles, par des agendas politiques qui les dépassent, mais qui les enferment dans des prescriptions coraniques et des interprétations masculines du statut des femmes en islam.


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