Des mots, des mots et des mots d'où viennent tous ces mots susurrés, slamés, scandés lors de son concert jeudi dernier au théâtre municipal de Sousse au grand complet. C'est la première fois que Grand corps malade chante en Tunisie. Une tournée soutenue en grande partie par l'Institut français de Tunisie dans le cadre de la semaine de la francophonie 2012. L'accueil du public de la Perle du Sahel était absolument flamboyant. Accompagné des ses musiciens, le slameur aux yeux bleus appuyé sur une béquille, a été acclamé dès son entrée sur scène par un tonnerre d'applaudissements. Baigné dans une lumière étudiée, Grand corps malade avec sa voix profondément grave donne le ton à un concert marqué essentiellement par un slam spleen, un brin humoristique parfois. Forcément touchant quand on connait le parcours cabossé du chanteur. Révélé en 2003, Grand corps malade qui fait partie de ceux qu'on appelle « Le Cercle des poètes sans intrus », définit le slam comme « une scène ouverte dans des petits cafés où tout le monde peut dire un texte. Des mots à nu, sans musique, un moment de partage des mots et des émotions juste pour le plaisir », même si le slameur avoue avoir dévié à ces textes sans musique en leur ajoutant de la musique. Ce soir là, le slameur surpris par un public qui connait par cœur ses textes a du multiplier les performances en proposant des textes d'une grande force. Une avalanche de mots décrivant l'accident qui a brisé, lors d'un plongeon dans une piscine à moitié vide, ce grand corps athlétique. Poétique et fébrile le slam sur Rachid le chauffeur de taxi ou celui drôle du papa qui perd son intelligence face aux frasques de son bébé. Grand corps malade ne débite pas ses textes de manière impersonnelle, il implique le public en lui demandant de slamer avec lui. A cet effet, il atteint un moment de jubilation indescriptible, en rajoute toujours un peu plus pour le plaisir de l'assistance enchantée à son tour partant de volupté. Il y a aussi des moments de théâtralité surprenants qui confèrent au spectacle une dimension exaltante. Touché par tant de grâce, Grand corps malade généreux a tenté de ravir son public qui en redemandait un peu plus quelques autres slams dont le fameux morceau « Inchallah » clamé par toute la salle. Sousse a décidé de récompenser le slameur par un tonnerre d'ovations dont il gardera un souvenir indélébile puisque qu'il l'a lui-même immortalisé sur son appareil photo. Inès Ben Youssef