L'indépendance de la Justice est la base nécessaire à la réalisation de la Justice transitionnelle. Ce qui implique l'intervention de toutes les composantes de la société civile, afin d'œuvrer à la consolidation de cette indépendance, en gestation depuis la destitution de Ben Ali. Ce dernier avait constitué, depuis son avènement au pouvoir, un régime judiciaire sur mesure, pour violer les droits de l'Homme les plus élémentaires et s'adonner à tous les abus d'un régime de dictature qui a sévi pendant près d'un quart de siècle. En fait, plusieurs facteurs entrent en considération pour un assainissement radical de l'institution représentant le troisième pouvoir. Celui-ci doit impérativement être indépendant pour garantir la démocratie et les droits de l'Homme. C'est la raison pour laquelle, la machine judiciaire en Tunisie, qui a été longtemps grippée, doit subir des réformes concernant aussi bien l'organisation des tribunaux que l'organe de la magistrature. Celui-ci, dans son ossature actuelle, ne permet en aucun cas une véritable indépendance judiciaire. Ascendant du garde des sceaux sur l'appareil judiciaire L'institution judiciaire doit inspirer la confiance du justiciable. Il est donc impératif que les juges puissent exercer leur fonction en toute indépendance et sans la crainte de subir des contraintes ou des ascendants. Le ministre de la Justice, était l'Alpha et l'Oméga durant l'ancien régime. Il procédait seul à la nomination des magistrats qui subissaient son ascendant et recevaient des instructions préalablement aux décisions qu'ils étaient normalement tenus de prendre conformément à la loi et en leur âme et conscience. Or après la Révolution, le ministre de la Justice a continué à procéder à des nominations, de magistrats, de manière unilatérale, que ce soit avec le premier ou le deuxième gouvernement provisoire. Dans une interview à Radio Shems, Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire Tunisien de l'Indépendance de la Magistrature a déclaré à ce propos que « le ministre actuel de la Justice a procédé unilatéralement à la nomination de 35 magistrats au sein du tribunal de première instance de Nabeul. » Il ajouta que «les concertations préalables à ces nominations auxquelles a fait allusion le ministre de la Justice, n'avaient pas été réalisées de manière officielle. Cette réforme ne peut être réalisée que par un organe neutre. Le ministre de la Justice ne devait pas prendre des décisions de manière unilatérale. Il a en définitive procédé à tout un mouvement de magistrats, dans cette période transitoire où il était tenu d'agir dans le cadre de l'institution judiciaire, à laquelle aucun ne peut se substituer. « Cette attitude ne sert en aucun cas les justiciables qui demandent de nouvelles garanties pour une Justice indépendante. » a encore déclaré A Rahmouni. Promulgation d'une loi instituant une Instance Indépendante de la Magistrature Il est en effet nécessaire d'instituer une Instance Indépendante de la Magistrature qui prendrait le relais à la situation actuelle au sein du corps judiciaire. Pour cela il faut la promulgation d'une loi dans ce sens. Cette instance qui suppléera le ministre de la Justice dans son rôle de superviser, ce qui est de nature à mieux consolider l'indépendance de la Justice. Cette Instance supervisera, comme l'a expliqué Ahmed Rahmouni, « la justice judiciaire, par opposition à la justice administrative qui doit être gelée pour le moment, du moins en ce qui concerne la Cour des Comptes » Justice administrative et service public La jurisprudence administrative a évolué en général, dans le sens de l'équité en application des lois en vigueur, ce qui est en soi un signe de neutralité et d'indépendance par rapport au service public. Les problèmes qui se sont posés auparavant, concernent l'exécution des décisions du tribunal administratif, notamment dans des affaires contre le ministère de l'Intérieur ou le premier ministère. Sachant que, pour la régularité de la procédure, l'huissier de justice chargé de l'exécution d'un jugement est tenu de requérir le concours de la force publique. Il est nécessaire de revoir toutes ces questions, à l'occasion de la réforme de la justice administrative. Secteur judiciaire : Un statu quo, qui ne sert pas la justice transitionnelle Par ailleurs l'Association des Magistrats Tunisiens a décidé de porter des brassards rouges à compter d'hier et ce, pendant une semaine, en signe de protestation contre l'attitude du gouvernement à tarder à promulguer cette nouvelle loi. « Cela confirme la tendance à maintenir le statu quo dans le secteur judicaire » En l'état actuel des choses le gouvernement, tel que l'a déclaré le ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, est décidé à réaliser une Justice transitionnelle par tous les moyens. Toutefois, il est nécessaire de passer par la réforme de la Justice, dans le but d'assurer son indépendance condition impérative pour la préservation des droits de l'Homme.