L'Association « mercredi » pour la culture et le théâtre de Jendouba nous a présenté une de ses prémices à l'occasion de la rencontre littéraire d'Oued Méliz. Une pièce de théâtre intitulée « Influenza du karkadan », réalisée par Abdelbaki Mehri d'après la célèbre pièce d'Eugène Ionesco « Rhinocéros » et jouée par le talentueux Mohamed Ghazouani avec la participation d'Abdelbaki Mehri. A mesure que s'enrichit son expérience du théâtre, Mohamed Ghazouani poursuit une réflexion sur l'art dramatique (Assakhra, Melles min tinek, El kamiouna, Beit el azal, Ajib wa gharib, Zahrat asshraa, Al jaiza liman, Naghem el adghal ou encore Aïcha wa chhili wa chicha, Ezzaafrane, Ellamma) en parodiant les procédés de l'intrigue conventionnelle, la prétention à la logique et à la vraisemblance, il prête un langage automatique, absurde. Du même coup, il dénonce la sclérose intellectuelle ou l'impossibilité de communiquer qui surviennent quand l'automatisme fait obstacle à la spontanéité, à la vérité des êtres. Pour Mohamed Ghazouani « le théâtre engagé, véhicule des idéologies, lui apparaît comme un instrument néfaste qui tend à asservir les masses en leur donnant l'illusion de penser ». Dans cette pièce, de graves questions sont abordées : l'individu opprimé par la masse, l'impossibilité d'atteindre l'absolu, l'homme devant la mort. A travers les images oniriques qui hantent son théâtre, Ghazouani et même El Mehri se montrent obsédés par les problèmes du bien et du mal, du péché et de la mort, de l'inaptitude à vivre heureux ici-bas, pour les hommes dévorés, comme eux, par la « nostalgie ardente » et incompréhensible d'un ailleurs qu'ils ne sauraient définir. Pour Abdelbaki Mehri comme pour Mohamed Ghazouani, le théâtre doit toucher tous les sens, grâce aux ressources des techniques modernes, décors, éclairage, musique « tout est permis au théâtre ». Nos deux artistes pratiquent systématiquement le mélange des genres allant du registre noble à la farce grotesque, aux procédés du guignol, du music-hall ou du cirque. Ils aiment, tous les deux, jouer sur la surprise du langage, jeux de mots, réflexions hétérogènes, prolifération verbale, accélération caricaturale de débit ; ils s'invitent même à jouer contre le texte. Assurés de provoquer le rire, ces effets de rupture ont souvent pour objet de stimuler notre réflexion ou de dévoiler l'inconscient, le plus intime des êtres.