La tribu de Newayel à laquelle appartient Mahmoudi risque de s'attaquer aux intérêts économiques tunisiens en Libye», avertit Me Mabrouk Kourchid, coordinateur du comité de défense Le comité de défense de l'ancien Premier ministre libyen Baghdadi Al-Mahmoudi a estimé, hier, que la décision du gouvernement tunisien de livrer leur client aux autorités libyennes relève d'un «marché occulte» conclu entre les deux pays. «La décision d'extrader M. Al-Mahmoudi représente une violation manifeste des conventions internationales relatives aux droits de l'Homme. Elle est le fruit d'un marché occulte conclu tout récemment entre Tunis et Tripoli», martèle Me Béchir Essid, membre du comité de défense du dernier chef de gouvernement de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, arrêté en septembre 2011 dans le sud de la Tunisie. Me Essid fait ainsi allusion aux accords de coopération signées la semaine écoulée lors de la visite du Premier ministre libyen Abdel Rahim al-Kib en Tunisie et prévoyant, entre autres, l'octroi de financements libyens de l'ordre de 200 millions de dollars à la Tunisie.
De son côté, l'avocate et la présidente de l'Association de lutte contre la torture, Me Radhia Nasraoui estime que la prochaine extradition de l'ancien Premier ministre de Kadhafi est motivée par des enjeux économiques liés aux promesses des autorités libyennes d'ouvrir leurs frontières à des centaines de milliers de travailleurs tunisiens. « C'est une humiliation pour tout le peuple tunisien. On ne peut pas sacrifier les principes pour obtenir des contrats d'embauche », déplore-t-elle.
Coordinateur du comité de défense de M. Al-Mahmoudi, Me Mabrouk Kourchid évoque, quant à lui, une transaction d'ordre politique. « Il est certain qu'une transaction politique a été conclue entre les autorités tunisiennes et leurs homologues libyennes. Cette transaction est basée sur l'engagement des partis affiliés de l'organisation internationale à extrader les figurés des anciens régimes balayés par les révolutions arabes vers leurs pays d'origine», a déclare-t-il.
Risques sécuritaires
Me Kourchid note également que la décision prise par l'extradition de l'ex numéro deux libyen risque d'avoir des effets économiques et sécuritaires néfastes sur la Tunisie. « La tribu de Newayel à laquelle appartient Mahmoudi risque de s'attaquer aux intérêts économiques tunisiens en Libye », avertit-il.
L'accord de principe concernant l'extradition de M. Al-Mahmoudi, actuellement incarcéré dans une prison de Tunis et en grève de la faim, avait été pris en marge d'une visite du Premier ministre libyen Abdel Rahim al-Kib la semaine dernière à Tunis. « La Tunisie ne sera jamais un refuge pour quiconque représente une menace pour la sécurité de la Libye », avait alors déclaré le chef du gouvernement tunisien, Hamadi Jebali, lors d'un point de presse qu'il a tenu conjointement avec son homologue libyen.
Le porte-parole de la présidence de la République Adnène Mancer a, toutefois, contesté lundi, cette décision gouvernementale, indiquant qu' «elle est en dernier ressort de la compétence du chef de l'Etat».
Dans une déclaration à l'agence TAP, M. Mancer a noté que seulement « un accord de principe» a été conclu entre Tunis et Tripoli et que l'extradition de M. Mahmoudi demeure soumise à plusieurs conditions. «La Tunisie ne va pas extrader Baghdadi Mahmoudi, sauf si la Libye fournit les garanties d'un procès équitable », a-t-il insisté.
Selon lui, l'accord prévoit la constitution d'une commission tunisienne qui aura pour mission de vérifier le bon fonctionnement de la justice libyenne et de veiller sur le respect de l'intégrité physique et morale de M. Al-Mahmoudi.
M. Mancer a, par ailleurs, précisé que l'actuel président Moncef Marzouki, un ancien président de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH), a refusé de signer la décision d'extradition.
Agé de 67 ans, Baghdadi Al-Mahmoudi fait l'objet d'un mandat d'amener des autorités libyennes. Il avait été arrêté en Tunisie le 21 septembre 2011 et condamné en comparution immédiate à six mois de prison pour «entrée illégale sur le territoire tunisien», avant d'être acquitté. Il est, cependant, resté sous le coup d'une extradition prononcée par la cour d'appel de Tunis le 8 novembre 2011, et suspendue par l'ancien président provisoire tunisien, Fouad Mebazaâ.