La mise en place de la règlementation sur la justice transitionnelle en Tunisie ne fait que traîner en longueur. Des consultations ont été faites à l'échelle nationale. Elles se poursuivent dans les régions. Va-t-on s'éterniser dans la mise en place de la juridiction adéquate ? Les autres expériences dans les pays arabes peuvent-elles être utiles et servir de plateforme à prendre en compte ? En dépit des spécificités de chaque pays, quels sont les principes directeurs de la Justice transitionnelle ?
L'Institut Arabe des Droits de l'Homme (IADH) a organisé, les 25 et 26 courant un atelier à Tunis avec la participation d'experts du Centre International de la Justice Transitionnelle, de défenseurs des Droits de l'Homme au Yémen, en Libye et au Maroc. Déjà avant la Révolution l'IADH s'est intéressé à la justice transitionnelle à l'échelle arabe comme le rappelait Abdelbasset Ben Hassen, président de l'Institut. D'ailleurs, l'Institut avait suivi de près l'expérience du Maroc en matière de justice transitionnelle. Après la Révolution, le consensus était acquis sur le fait qu'on ne peut construire l'avenir sans démanteler le système absolutiste. La compréhension du présent doit tenir compte du passé. En Avril 2011, l'IADH avait organisé à Tunis une conférence internationale sur la justice transitionnelle. Il a participé à la diffusion et à la compréhension de la notion de Justice transitionnelle. Un projet de loi avait été préparé dans le cadre de la Coordination nationale de Justice transitionnelle qui regroupe plus de 30 associations. Le rapport de cette rencontre a servi de base pour une conférence arabe en Egypte. D'où l'idée de confier à des experts la tâche de mettre en relief ce qui est commun à toutes les expériences arabes en la matière. Un rapport a été réalisé sur la justice transitionnelle en Tunisie du 14 janvier jusqu'aux élections du 23 octobre. « En Tunisie, le thème de la justice transitionnelle commence à s'effriter. On l'a beaucoup disséqué sans avancées pratiques », déplore Abdelbasset BenHassen. Me Ayachi Hammami, parle de l'atelier organisé pour dire que l'objectif est de rédiger un texte contenant les principes directeurs de la Justice transitionnelle, indépendamment des spécificités de chaque pays. La Justice transitionnelle est un ensemble de mécanismes pour dévoiler la vérité, demander des comptes à ceux qui ont fauté, procéder aux réparations nécessaires et aboutir par la suite à la réconciliation. Cette justice nécessite un niveau minimum d'organisation et de structuration. Quelle est cette structure ? Quels sont les critères pour en faire partie ? Est-elle para-juridique ? Comment procéder aux questionnements ? Comment assurer à cette structure son indépendance administrative et financière ? Comment garantir le droit à l'information sans avoir à affronter le secret professionnel ? Les recommandations auront-elles un caractère obligatoire ? Comment procéder aux réparations et dédommagements ? Autant de questions auxquelles ont essayé de répondre les experts réunis par l'IADH. Me Walid Ferchichi et 4 jeunes, Maroua Belgacem, Emna Sammari, Ahmed Aloui et Naceur Harzallah, ont réuni dans un livre intitulé : « La Justice Transitionnelle en Tunisie : absence de stratégie et prépondérance d'improvisation », tous les textes concernant la Justice transitionnelle du 13 janvier 2011 au 23 octobre 2011. C'est une période caractérisée par la course derrière les évènements et par des décisions prises sous la pression des évènements. Il faut dire que tout le monde était pris de court par la révolution et personne ne savait ce que voulait dire une justice transitionnelle. « Après le 23 Octobre, nous avons constaté que la société civile a effectué un grand travail, par rapport à d'autres pays. Cinq projets de loi de Justice transitionnelle ont été proposés aux autorités. Le premier est celui de la Coordination nationale de la Justice transitionnelle. En plus la volonté politique existe puisque l'Etat tunisien soutient ce processus », affirme Me Ferchichi. Les cinq projets présentés ont des points communs. Ils sont très proches. Ils ont tous insisté sur la nécessité d'avoir une structure indépendante, en dépit des différences de nominations. Ils ont élaboré une vision complète du processus. Le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice Transitionnelle a associé les différents auteurs des cinq projets à des tournées de dialogue dans les régions. Combien vont durer ces consultations ? Va-t-on diluer le problème comme le craint Me Ayachi Hammami ?