Abdelkerim Hizaoui, enseignant-chercheur et Directeur Général du CAPJC : « Il faut impérativement inscrire dans la Constitution la liberté d'expression, la liberté de la presse ainsi que le droit du citoyen à l'information » La consultation générale sur les médias lancée par le gouvernement, suscite des controverses en ce sens qu'elle procède, du moins, d'après les axes qui y sont inscrits, d'une intention, selon beaucoup d'observateurs, de « trop conditionner l'information ». Pour bien d'autres, cela retarde le processus de mise à niveau du secteur et sa « libéralisation » totale. Sinon, pour le reste, il s'agit de légitimer la liberté d'expression telle qu'inscrites dans les décrets-lois 115 et 116, pourtant promulgués mais guère appliqués dès lors qu'on a encore recours au Code pénal (affaire Ettounsia et affaire Nessma) pour les litiges afférents aux médias. Aujourd'hui, force est de constater que l'INRIC est comme une instance qui dérange, du fait qu'elle a globalement balisé la voie vers la libéralisation du secteur, tout en veillant à ce que l'éthique et la charte du métier soient de rigueur. Elle a, donc, accompli sa mission, mais si, sur le fond de ses analyses et de ses recommandations, le gouvernement juge qu'il faut « revoir certaines choses » - une presse trop libre est-ce une bonne chose pour un gouvernement endoctriné par Ennahdha ? – La Constituante voudrait approfondir le concept à travers une question institutionnelle. A savoir l'INRIC doit-elle survivre et convient-il de la constitutionnaliser et, en d'autres termes, constitutionnaliser les garanties de la liberté d'expression. Nous avons, à ce propos, invité M. Abdelkerim Hizaoui, enseignant-chercheur et Directeur Général du CAPJC à nous fournir des éclairages surtout que Kamel Laâbidi sera auditionné, aujourd'hui, par une commission de la Constituante.
Le Temps : * Pensez-vous qu'il conviendrait d'institutionnaliser l'INRIC et d'en faire un organe permanent ?
Abdelkerim Hizaoui : - Institutionnaliser une instance de régulation des médias serait une bonne idée et même une nécessité, mais pas nécessairement l'INRIC dans la forme qui était la sienne jusqu'à présent. Il serait dommage de dilapider le capital de confiance et d'expertise ainsi que le réseau mis en place par l'INRIC si on peut le convertir de manière avantageuse en une instance permanente.
* Selon vous, doit-elle avoir un rôle consultatif ou décisionnel ? - Elle devrait avoir un caractère administratif tout en restant indépendante par rapport aux pouvoirs publics. Et donc, avoir les compétences nécessaires pour sa mission régulatrice sous le contrôle, bien entendu, du pouvoir judiciaire. Car, une autorité administrative doit toujours être contrôlée par une autorité judiciaire pour s'assurer qu'elle exercera sa mission conformément à la loi. Et là, il faut éviter qu'elle ne fasse double emploi avec la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) et ne devrait pas se transformer en ministère de l'emploi, non plus.
* Vous êtes, sans doute, au courant que, aujourd'hui, M. Kamel Laâbidi sera auditionné par la commission spécialisée de la Constituante. Il s'agit de savoir s'il faut inscrire la liberté d'expression dans la Constitution... * - Qu'est-ce qu'il faut constitutionnaliser ? Il faut inscrire impérativement dans la Constitution la liberté d'expression et la liberté de la presse ainsi que le droit du citoyen à l'information en tant que droits fondamentaux du citoyen. La question qu'on se pose est la suivante : faut-il, également, inscrire dans la Constitution les principaux mécanismes qui garantissent l'exercice de ces droits. Pour ma part, je serais d'avis qu'il faudrait constitutionnaliser au moins l'Instance de Régulation de l'audiovisuel, cela pour ne pas se laisser tenter par les vieux démons du contrôle gouvernemental. *